Discographie

Just another diamond day

Comme les meilleurs restaurants, les bons disques finissent toujours par être recensés. Il se trouve toujours un fouineur pour vendre la mèche à la communauté. Tous les trois mois, et c’est une grande tradition de la culture rock, un magazine, une radio ou Nick Hornby sacrifie à sa liste des cent meilleurs disques/ chansons par catégorie en se faisant fort d’y placer d’obscurs et introuvables trésors

Il en va de la crédibilité des scribouillards de recommander des baladins inconnus comme d’autres jouent la leur en préconisant des cogneurs ou des chevaux susceptibles de jouer les trouble-fêtes. La grande vertu de ce manège, c’est qu’elle incite les maisons de disques à dépoussiérer leurs bandes et à rajouter des titres ou des démos jamais entendus, et les distributeurs à réapprovisionner leurs bacs de ces maudits albums qui ne leur avaient rien rapporté en leur temps. On ressort donc l’album « mythique » avec un autocollant explicatif et un extrait accrocheur de la dithyrambe.

Folk albionique

Vashti Bunyan est une des dernières grandes bénéficiaires de cette tradition. Au début des années 2000, vanté haut et fort par la nouvelle génération de chevelus à collier de perles, son unique album « Just Another Diamond Day » fait son apparition dans les comptes-rendus des magazines spécialisés en complément des opus de Nick Drake, Fairport Convention, Pentangle, Incredible String Band, et autres sommités du folk anglais des années soixante. Soudainement, tout le monde s’accordait à trouver sublime un disque ignoré pendant trois décennies. La nouvelle qu’un deuxième album allait voir le jour, qui serait produit par Devendra Banhart, un des thuriféraires les plus acharnés de la dame, ne fit qu’accélérer la sanctification du premier album. Autrefois trouvable uniquement sous une pile d’étoffes dans une jarre derrière une tenture dans la caverne d’Ali Baba, « Just Another Diamond Day » est aujourd’hui à la portée de tout un chacun.

« Just Another Diamond Day » est la trame sonore d’un voyage en roulotte (!) de Londres aux confins de l’Ecosse, quand déçue de l’insuccès de ses premiers 45 tours produits par Andrew Loog Oldham (manageur des Stones) et pas encore complètement remise de son éjection d’une école d’art en 1964, Vashti Bunyan opta pour la campagne britannique et une vie de bohème. Inspirée par l’aventure, la jeune femme composa plusieurs chansons en chemin. A l’occasion d’un bref retour à Londres, elle présenta ces chansons à Joe Boyd, producteur réputé des plus grands noms du folk anglais. Enthousiasmé par les compositions de la jeune femme, le producteur rassembla Robin Williamson de l’Incredible String Band et Simon Nicol et Dave Swarbrick de Fairport Convention pour accompagner celle-ci en studio quelques mois plus tard. « Just Another Diamond Day » vit le jour en 1970.

 L’album passa complètement inaperçu à sa sortie, l’heure étant au rock lourd des Led Zeppelin, Black Sabbath, Deep Purple, et aux concept-albums non moins lourdingues des King Crimson, Pink Floyd, Genesis. Devant le manque d’intérêt du public et des médias, Vashti Bunyan retourna à ses voyages en roulotte. On sait gré aux fureteurs de nous l’avoir remise au goût du jour. « Just Another Diamond Day » évoque toute la verdure d’albion. Il enchantera les amateurs de balades pastorales sous le crachin, les inconditionnels du pâté de campagne, les éleveurs de moutons, les spéléologues, les ermites barbus et tous les druides de la fratrie celte. « Diamond Day », le premier titre, est une ballade à vocation propitiatoire. La finesse de l’interprétation n’a d’égale que sa richesse mélodique. Ce n’est qu’arpèges de guitare délicats, fines nappes de flûte traversière, touches de violon légères, ululements de flûte allègres et susurrement sensuel. D’emblée, le morceau magique. Une minute et quarante-cinq secondes d’éden. « Lily Pond » ressemble à une comptine guillerette pour enfants, « Where I Like To Stand » est une aubade contemplative portée par de splendides airs de violon (Dave Swarbrick en état de grâce), « Swallow Song » est la mélancolie même. « Come Wind Come Rain » et « Jog Along Bess » sont des chansons à marcher pleines d’entrain. On est frappé par le ton optimiste et contemplatif qui prédomine sur l’album autant que par le classicisme des compositions. Il n’est question ici que d’arcs-en-ciel, d’hirondelles, de chevaux, de barques et de collines. Le paradis perdu ?

Pour l’anecdote, Vashti Bunyan vécut dans une ferme pendant trente ans, sans avoir la moindre idée de la cote phénoménale de son album, jusqu’à ce que, rattrapée par la curiosité, elle effectuât une recherche à partir de son nom sur internet. Ne désespérez point, génies méconnus d’aujourd’hui ! Aux dénicheurs de trésors, les tympans reconnaissants.

 

Joe l'trembleur

1 Commentaire pour “Just another diamond day”

  1. LiOnel dit :

    ha! joe l’trembleur!

    tu as toujours la plume relevée et tes critiques gardent toujours ce ton… particulier!

    rudement bien écrit!

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