Les sociétés secrètes

Trois accords et désaccord…

Ils sont plombiers, boulangers, couturiers. Ils travaillent à la RATP, à Canal +, à la Poste. Ils portent des t-shirt Ramones, Buzzcocks ou Damned. Ils vous emmerdent, espèce de connard! Ce sont des pinques…     

Mon facteur arbore une protubérance d’aspect gallinacé pour mieux déguiser son incapacité congénitale à distribuer les enveloppes dans les boîtes aux lettres correspondantes en une attitude de défi envers le Monde en tant que carcan totalitaire. Pas de doute, c’est un pinque aussi. 

Ou plutôt, pour orthographier correctement cette syllabe et demie de rébellion concentrée, un « punk ». Personnellement, j’ai toujours préféré prononcer ça [pinque], à la façon de ma grand-mère. Comme dans « junte Birmane », « Attila le Hun » ou encore « dictature de la munceur » (pour rester dans le même ordre d’avanies). A ce que je sache, « lundi » ne se prononce pas [leunedi], on dit [lindi], comme dans l’expression courante [faichierdejalindi]. Pour éviter tout embrouillement phonique, je continuerai de franciser l’orthographe du mot pour la suite de cette bafouille.

Maintenant la question sociétale : pourquoi cette survivance du pinque ? Si l’on compare le pinque avec un autre courant musical et profondément identitaire comme le finque, par exemple, on ne peut que constater que le pinque se porte à merveille. Il se porte davantage comme un adepte du slow-food et du yoga postprandial que comme un jinquie accro aux amphétamines et à la bière éventée. Tandis que la plupart des gloires du finque de jadis ont claboté sinon tout court, du moins artistiquement, et que le genre a muté en ce qu’on peut voir sur M6, le pinque a perduré sans changer vraiment. Certes, il y a eu des trépas. Certes, il y a eu des mariages infects (pinque et lambada, pinque et télévision…). Mais le pinque est encore là. En fait, il est partout. Chez le fromager, dans le 16è arrondissement, dans l’œil du canari de ma grand-mère lorsqu’un moucheron se pose dans sa cage.  

Alors, qui livrer à la vindicte de Jean-Pierre Pernaud ? Qui a initié le pinque ? Pour la plupart des gens, l’infamie revient aux Sex Pistols. Pour les frères aînés, ce sont plutôt les New York Dolls les responsables. Pour les oncles soixante-huitards, c'est le MC5 qui a tout déclenché. Pour les snobs de province, tout a commencé avec les Sonics. Pour les contradicteurs d’Ile-de-France, le méfait est attribuable à Link Wray. Au Vatican, on blâme généralement Caïn, sur la base de la tablature retrouvée parmi les manuscrits de la Mer Morte et intitulée « Nique Mon Frangin Velu » (les annotations originales sont en verlan hébreu). A l’Académie Française, on prétend que le premier morceau pinque serait « Je Suis Tombé Par Terre, C’est La Faute à Voltaire », le tube des barricades, par Gavroche.

Mais ça ne répond pas à notre question de départ ou presque. Pourquoi le pinque a t-il perduré, alors même que son turbulent rejeton le gringe n’a pas duré dix ans ? En trois points, s’il vous plaît. Il est notoire que le pinque méprise tout ce qui va chercher plus loin que le chiffre trois.  

La raison principale de la longévité du pinque réside selon moi dans le fait qu’il n’a pas tellement changé. Il est resté con comme un balai. Pareil aux gens, en somme. Ceci explique cela. Le pinque ne s’est jamais pris pour un malin comme le rap (avec ses allitérations foireuses et son usage abusif du dictionnaire des synonymes), la techno (avec son côté « mon logiciel a coûté plus cher que le tien »), le heavy metal (avec son côté « mon solo est plus rapide que le tien ») ou le gringe (avec sa pose « je suis trop pur pour bien vivre mon succès de chanteur torturé »).  

Il y a aussi la question de l’accoutrement. Ca a tout de même plus de gueule de traîner des pieds tout de cuir et d’épingles vêtu que de déambuler dans un jogging informe en trimballant quinze kilos de joaillerie de contrefaçon chinoise. Avant ça, c’étaient les coupes de cheveux impossibles et les contenances précieuses de romantiques manucurés qui croyaient avoir inventé le fond de teint. Entre ces deux époques aberrantes, la mode était aux cheveux gras, aux t-shirts à manches longues et aux jeans troués. Pour ce qui est des gens qui font de la techno, on ne saurait dire… Ils sortent de chez eux, parfois ?

En dernier lieu, prenons donc en compte le contexte politique. Allez, quoi, y’a pas que les fringues dans la vie. De quelque côté qu’on regarde, on ne voit qu’intimidation, supercherie, populisme, censure, vice… La faute à Voltaire ? Pas vraiment… Quoi qu’il en soit, il est certain que le caractère généralement nauséabond de la politique ne fait rien pour dissuader les jeunes de la tentation anarchiste, dont l’incarnation musicale est le pinque, avec son attitude « do it yourself »…  

Toujours est-il qu’on ne peut plus désormais botter dans une canette de bière vide sans toucher un pinque. On ne peut plus acheter de pâté de marcassin sans se faire dévisager haineusement par une caissière nécrophile. On ne peut plus arroser ses bégonias sans renifler une crotte de pitbull. C’en est franchement fatigant à la longue. On en viendrait presque à avoir envie de se faire inviter à prendre un café chez une amie institutrice, rien que pour y entendre une chanson intimiste ultra chiante à la Jeanne Cherhal qui nous rappellerait quel effet ça fait de craindre à mort.  

 

 

 Horseface O’BrienAmicale Lycanthropique de Cornouailles                  

5 Commentaires pour “Trois accords et désaccord…”

  1. nico-marm dit :

    Si le pink était mort, je ne serait plus de ce monde étant donner que c de la fiotte de chiasse de zik qui redonnerais vie a un astéroïde même sur pluton depuis que l’on visite l’univers assis sur son derrière devant n’importe quels technos tequillasité .

  2. GUi dit :

    tout à fait d’accord avec fleur de courge sur son rappel sur le finque !!!

    je rappellerai pour ma part que si une branche du pinque n’a effectivement pas évoluée, une autre a suivi la voie ouverte par les Clash : vers le reggae, l’electro (tous le mvt new et no wave en est issu !!!), et la finque elle même (gang of four…)

    pour rire encore un bon coup, allez donc voir la ligne de T-shirt siglés Ramones chez Monop’ : à pleurer !!!!

    Le pinque n’a jamais été plus dead que depuis que le marketing l’a déterré.

  3. Horseface O Brien dit :

    Merci, vos commentaires sont appréciés!

  4. Fredo dit :

    Excellent article, mais j’ai une petite requête concernant la comparaison entre le finque et le pinque : c’est que le finque à été récupéré à une époque pour ce transformer en disco, mais de là à utilisé le raccourci Finque = M6, on voit que la finque n’est pas ta branche, ta souche musicale (sachez que le premier groupe de finque rescencé date de 1875 ! Et oui, tout en cuivres).
    Et pour conclure, le pinque est récupéré par le markéting, qu’il s’agisse d’un « Green Day » ou d’une publicité pour un gel à effet « laisse béton » comme tout courant rebelle et alternatif. mais tout le reste, je suis d’accord, car à 40 piges comme moi, j’ai toujours enfit de shooter dans une canette, et à la barbe de mon banquier.

    Merci pour l’article qui m’a fait exister qq minutes 🙂

    Signé : Fleur de Courgette

  5. Jéronimo dit :

    Bon sang mais c’est bien sur, c’est juste exactement ca !

    Merci pour cette rafraîchissante, intéressante et non dénuée de sens opinion sur pourquoi « pinque’s pas mort. »

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