En 1973, Gram Parsons meurt avant d'avoir véritablement réalisé son ambition de produire une « musique américaine cosmique » brassant folk, country, soul et psychédélisme. De ses débuts avec l'International Submarine Band à sa maturation avec les Byrds, puis les Flying Burrito Brothers, jusqu'à ses albums solo et son séjour avec les Rolling Stones à l'époque de l'enregistrement d' « Exile On Main Street », Parsons a été, historiquement, le grand entremetteur de la rencontre entre rock et country.
De sales accoutumances l'empêcheront d'accomplir l'alchimie rêvée. Il faudra attendre un an après la disparition de Parsons pour qu'un autre ancien des Byrds, le taciturne Gene Clark, invente enfin cette extraordinaire « musique américaine cosmique »…
Il y a beaucoup à absorber dans ce « No Other ». C'est le ciel qu'il faut avaler, et par les oreilles encore. À défaut de superlatifs indiqués, décrivons à la façon des Inrockuptibles, cette façon qui consiste à évoquer la musique d'un artiste Alpha ou Beta selon le schéma suivant: « Alpha, c'est la rencontre entre Tom Waits et Lou Reed dans un ghetto afro-américain pendant les émeutes de Watts » ou encore « Beta, c'est le mariage de Diana Ross et Leonard Cohen sur la péniche des Sex Pistols »… Gene Clark, dans ce style balourd, ce pourrait être « les mamours en deltaplane de Pink Floyd et Gram Parsons ».
Premier titre, rythme country, on s'attend au pire quand surviennent des choeurs fervents. Des angelots s'extasient dans le crottin de mustang. Un « Silver Raven » au plumage minéral les disperse funestement. « No Other » convie Sly Stone (ici aux percussions) au souvenir de son funk psychédélique du bon vieux temps. « Strength Of Strings », c'est Nicolas Flamel touillant Pink Floyd et Crosby, Stills, Nash and Young dans la marmite de Timothy Leary. « From A Silver Phial » est gracile comme une ballade de Neil Young. Au milieu de toutes ces merveilles, ce n'est qu'un morceau de plus. « Some Misunderstanding », c'est la revanche de l'homme sur l'oiseau. Ce n'est pas un chanson, c'est un vol de huit minutes. Pour l'anecdote, Gene Clark a quitté les Byrds en 1966 à cause d'une phobie des transports aériens. Cette céleste chanson pourrait en être la cure… « The True One » évoque les Byrds période « Sweetheart Of The Rodeo »: une bluette country psychédélique savamment fagotée. L'album s'achève, avec « Lady Of The North », sur un nouvel envol cotonneux. « Bon Dieu, y va encore nous choper par les ouïes pour nous emmener tout là-haut ce Trismégiste ». Moi, Jésus, si je dois monter un jour au paradis, j'aimerais que ça se fasse sur la musique de Gene, SVP!
Avec l'assurance de mes sentiments distingués!