En trois albums, l’ermite hirsute a su s’imposer comme un grand compositeur folk américain. On est loin des scènes dites anti-folk et autres bidouillages à base de ukulélés mal exploités, loin des tendances americana-esques qui font la joie des lecteurs de Elle ou autres suiveurs vêtus de papier glacé… on est tout simplement dans la grande tradition nord américaine des chanteurs racés, celle des bonshommes qui savent raconter des histoires en nous faisant chialer.
Et c’est sûr que ça bricole pas des masses chez Lamontagne ! Même si le gus a démarré la musique il n’y a pas 10 ans, point d’approximation chez ce compositeur interprète… Une voix éraillée à émouvoir un garde frontière, des compositions qui rentrent tout de go dans le répertoire « american classic rock », des histoires simples et mélancoliques, le gars Ray a de beaux jours devant lui. C’est certain ! Pas affilié à une chapelle musicale particulière, Ray Charles Lamontagne est merveilleusement auréolé d’une production magique et pourtant très classique, un truc qu’on peut qualifier de « son amerlo », une potion magique apparemment gardé jalousement puisqu’elle n’a jamais su traverser l’Atlantique… Une histoire de famille, peut être, perpétuées par des gaziers comme Levon Helm, ou en l’occurrence ici Ethan Johns, qui savent restituer le son d’une Martin, qui savent faire sonner un banjo comme un banjo, le tout sans prétention et toujours au service de la chanson.
Les maîtres à chanter de Ray Lamontagne, on ne peut que les deviner tant l’homme est avare d’entretien… Même si la légende raconte que Lamontagne a décidé de stopper net sa vie d’ouvrier en écoutant une chanson de Stephen Stills, on ne trouve que peu de similitude avec le texan blond fillasse… Proche de l’univers de Nick Drake ou de la grâce d’un Tim Buckley par endroits, ces chansons teintées de Soul ne sont pas sans rappeler un Van Morrison en exil sur le sol américain, un truc rugueux mais doux comme du velours, un organe qui ferait pâmer toute une chorale anglicane de l’époque Tudor… Une belle âme, c’est ce qu’on entend… comme si sa dure vie antérieure lui avait conféré l’aura, chose rare aux artistes contemporains.
Commencer la musique à 30 balais alors qu’on a une famille à nourrir, on n’est pas dans l’évidence, c’est pas du fonctionnariat… Surtout qu’aux Etats Unis, dans ce domaine, faut du talent pour réussir, il n’y a pas de pitié pour les tièdes, pas de subventions pour remplir les salles… En plus, le gars, c’est pas Madonna ou Jennifer Lopez, il est plus tout jeune et il vient d’un trou… pas le parfait exemple d’un produit commercial pensé pour ravir les oreilles des ados ou flatter l’ego des dénicheurs de talent : « la première fois que je l’ai vu dans son landau, il avait à peine 6 mois et son charisme débordait de sa couche bien pleine… derechef, je lui ai fait signer un contrat pour jouer une gargouille chantant du Iodle dans Notre Dame de Paris. »
Après plusieurs récompenses prestigieuses outre Atlantique, le Ray sait apprécier le confort de sa vie d’artiste. Avare d’entretiens, il sait fermer sa gueule, ne l’ouvrant qu’à l’occasion de ses (trop) rares concerts… Et encore ! D’une timidité touchante, Lamontagne ne communique que peu avec son public, chose qui lui sera reprochée parfois par de soi disants esthètes hexagonaux, gens fades, peu enclins à saisir les moments de grâce que peuvent procurer une musique sincère, sachant analyser un concert ou une œuvre entière après seulement trois minutes d’écoute… ils se feront alors apôtre du bon goût au bar du coin, picolant un picon bière tout en reluquant le cul de la serveuse.
« la première fois que je l’ai vu dans son landau, il avait à peine 6 mois et son charisme débordait de sa couche bien pleine… derechef, je lui ai fait signer un contrat pour jouer une gargouille chantant du Iodle dans Notre Dame de Paris. »
J’adore. Ce style est irrésistiblement drôle.
Excellent artiste malheureusement très rare par chez nous.