Le petit Rennet illustré

Rues de la connerie.

Toute cité possède au moins une rue particulière qui exerce un effet magnétique sur le badaud robot et sur les êtres-marques de l'air du temps qui n'y passent que pour faire admirer leur coupe de pub ou leur tee-shirt de petit malin niaiseux.

 

 

Dernier exemple aperçu sur un conneau: « we tried hot-dog but we prefer cocaine ». Un minet évidemment, avec cheveux en bataille- mais plutôt en chasse à courre-, court sur pattes et avec un gros cul serti dans un bermuda de marque à 100 euros. Jeunesse dorée ivre de sa vulgarité. « Le monde est mon prime-time ».

C'était à Lyon, ville qui ne manque pas de traboules agréables, mais dans laquelle la majorité médiocre ne jure que par deux axes : la rue St Jean et la rue de la République, soit la rue « typique » attrape-couillons et la rue « je le vaux bien » où pavaner de la fesse et donner du coude en faisant l'inventaire des fonctions de son Blackberry. « F*** me, I'm famous. » Queue nenni, je préfère me branler.

On ne peut pas toujours éviter ces tangentes où grouille la saloperie. Le tyran houblon désigne parfois des endroits foutrement malvenus. Ainsi, j'éclusais dernièrement une ambrée en terrasse huppée d'un repère de merdeux friqués, cauteleux et fétide parmi les connasses qui prenaient trois poses à la minute pour ressembler à la couverture ultra-photoshoppée du dernier Cosmopolitan et la mectaille déodorantisée qui parlait discothèques en se carressant la mèche. Ahhhh, la mèche, substitut pénien de la réussite héritée. Et je ne pouvais m'empêcher de penser: c'est drôle comme tout le monde s'y croit, sans dec'. Vieux /con de mon état, il me semble qu'on se la pétait quand même moins il y a dix ans. En tous cas, on se passionnait encore pour des trucs, à l'époque. Pas le choix, y'avait pas Facebook.

Du coup, quand ducon qui parle tout seul apparaît dans l'odieuse piétaille sapée Audigier, soulagement, fraternitude! Le merveilleux paumé que voilà, le pourfendeur du nazisme! Le Géronimo! L'être humain, enfin!

C'est un petit vieux maigrelet qui a clairement perdu la tête. Il s'assied à côté de moi et commande des frites. Quand le serveur les lui apporte, il s'exclame: « comment voulez-vous que je les mange, vos frites, j'ai pas de dents? ». Et d'ouvrir grand la bouche pour montrer ses chicots. Il réussit quand même à en avaler trois ou quatre. Il en jette une poignée par terre pour un pigeon imaginaire. Puis il me tape sur l'épaule et insiste pour poser son assiette sur ma table. Lorsque le serveur réapparait, il gueule « et alors, elle sont où mes frites? » "Mais je vous les ai apportés il y a deux minutes! » Coup d'oeil sur ma table.« Et comment que je les aurais mangées? J'ai pas de dents! » A nouveau, l'énergumène ouvre grand la bouche. Agacement du bougnat. « Alors pourquoi vous en commandez? « Qu'est-ce que vous croyez? J'ai faim! J'attends! » .Le serveur disparaît pour revenir avec un nouveau plateau de tubercules qui resteront intouchés en violation du développement durable. L'homme me fait un clin d'oeil et me tend la main: « copain? ».

Et quand un flâneur passe près de sa table, il s'écrie « dis donc! » avec une telle soudaineté que tout le monde sursaute et se retourne avec irritation, mais il est déjà en train de boire son verre d'eau comme si de rien n'était.

Quel panache, ces fous. On devrait en lâcher sans parcimonie dans les villes pour les rendre un tant soit peu intéressantes et imprévisibles. Parce que c'est pas avec la génération I-Phone qu'on va rigoler. Avec nous les aliénés!

 

Joe l'trembleur

1 Commentaire pour “Rues de la connerie.”

  1. mich dit :

    Quelques années après, je découvre sur Rennet ta page Rue de la connerie. J’aime ton écriture et ta causticité. On peut te suivre où ?

     

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