La France, donc le monde, se divise en deux tribus : les degôches et les dedroâtes, deux tribus aux profils distincts mais parfois poreux. Sans se mener la guerre au sens strict du terme, ils cristallisent les discussions du comptoir jusqu’au perchoir.
Physiquement, il n’y a pas de moyen de reconnaître à coup sûr un degôche d’un dedrôate. Certaines caractéristiques permettent néanmoins de les repérer.
il est couramment reconnu que l’homme à collier de barbe est degôche (voire très degôche), alors que le porteur de mèche, rasé de près, sera a priori plutôt dans le camp des dedrôates : ceci sans compter sur les effets de mode. Les fans de Justin Bieber ne sont pas nécessairement dedroâte, ils sont juste jeunes et cons. Une erreur historique a laissé pensé que l’homme (ou la femme) de couleur était nécessairement degôche : erreur de jugement basée sur une forme de paternalisme postcolonial. Il est cependant admis que les dedrôates sont plus enclins à préférer les gens de couleurs en dehors des frontières hexagonales.
Certains indices permettent néanmoins de repérer de quel tribu est une personne :
– le dedrôate aime l’allemande, grosse et rutilante, le degôche préfère la française, voire la roumaine, sobre et confortable. Le dedrôate sans le sous pourra opter pour la roumaine. À l’inverse, le degôche argenté boudera la grosse allemande, trop puissante, à moins qu’elle n’ait pris un peu d’âge.
– Le dedrôate aime le mocassin, à porter nu-pied, le pull posé sur les épaules, le degôche privilégiera le confort et la sobriété sans forcément renier l’élégance.
Encore une fois, il s’agit là d’exemples, de grandes lignes, en aucun cas de vérités.
Car c’est bien là que se trouve la complexité, dans la ligne de démarcation : l’apparemment degôche peut se révéler dedrôate, et inversement. Une part non négligeable se revendique des Ni-Ni, il s’avèrent qu’ils sont le plus souvent dedrôate, ce qui ne les empêchera pas à l’occasion de porter leur choix sur un degôche.
Le degôche est fier de son appartenance, le dedrôate aura plus souvent tendance à la minimiser, voire la cacher.
Le dedrôate voit le monde dans le prisme de sa bourse, honnit l’impôt autant qu’il honnit le cul de poule sous sa grosse allemande.
Le degôche ne voit pas l’impôt d’un mauvais oeil, même s’il lui coûte parfois de lâcher son tiers.
Le dedrôate voit le degôche comme un irresponsable utopique.
Le degôche voit le dedrôate comme un odieux égoïste.
Le degôche peut être égoïste, le dedrôate a ses utopies, un monde sans impôts par exemple, mais pas sans pauvres.
Le prétendu degôche peut s’avérer être dedrôate.
Le dedrôate assumé ne sera jamais de degôche.
Le degôche aime appeler son opposant un grocondedrôate, capitalisse, néocon,
Le dedrôate préfèrera les termes de bobodemerde, barbu (on en revient au collier de barbe), socialocomunisse, voire trotskofascisse.
La listes des points de divergence entre les degôches et les dedrôates est longue, ils se retrouvent par contre pour dire qu’ailleurs c’est mieux, mais que les autres, ceux d’ailleurs, ils ne comprennent rien à rien.
Jean-christophe Barbier de Séville