L'autre jour, alors que j'écoute un disque de harry Belafonte, la sonnette de la porte me tire d'un doux rêve nimbé de calypso: "Bordel, quel est l'indélicat qui trouble ma quiétude?" ah ok, c'est joe le trembleur qui fait sa visite mensuelle… me voilà rassuré. J'ai toujours peur que ce soit philippe Poutou qui vienne me vendre des almanachs du front national, rapport à un sale rêve que j'ai fait l'autre jour.
Les rêves, bons ou mauvais, ça a toujours tendance à te traumatiser un peu. J'ai une connaissance qui a cauchemardé et s'est vu jouer du synthé avec les popopopos, à un tremplin du crédit fermier, place la mairie à Rennes: "Je te jure, j'avais plus un poil de sec, j'y étais vraiment… il y avait même René Jouquand avec un t shirt d'alphaville et Sylvie Robert en train de faire un bras de fer avec Frédéric Mitterrand…" Dès le lendemain, le stigmatisé s'est débarrassé cul sec de son orgue Vox et de ses partitions de Randy Newman. Alors que je lui fais remarquer sa connerie, que c'est qu'un rêve, que son orgue est cool, que Randy Newman c'est vachement bien et tout, il me regarde avec des yeux hagards et fiévreux avant de me jeter à la gueule son carnet de chèque du crédit agricole tout neuf: " je participe déjà à ces conneries quelque part, hein! " J'ai pas poussé le truc plus loin pour laisser au temps le soin de refermer la plaie béante.
Donc Joe rentre, écoute un peu Belafonte chanter un truc sur les bananes et se fout de ma gueule direct en me traitant de bobo, de lecteur de télérama. Je suis vexé et décide de me venger secrètement en omettant de lui dire que j'ai trouvé l'original de JK and Co… Lui qui adore le psychédélisme sous toutes ses formes, il repassera! A la place, je lui colle le premier album des Lutins. Joe n'aime pas trop les trucs francophones, il va déguster. Je jubile mais le salaud aime ça. La prochaine fois, je lui mets du Myriam Makeba! La vengeance est un plat qui se mange épicé.
A l'heure du thé, on fait la paix et on écoute un album de Bill Fay. On se retrouve bien là tous les deux, il me parle du concert de Mariee Sioux et de Liz Green qu'il a vu à Lyon, de l'ambiance magique qu'il y avait dans la salle: "ouais, un vrai concert folk, mec… Pas comme le dernier concert d'Alela Diane, je suis parti avant la fin tellement ça m'a barbé." Joe et moi, on partage le même goût pour les grandes dames de la folk, qu'elles soient actuelles ou enterrées. Passion qui sent malheureusement plus le memorabilia et les chrysanthèmes que la fraîcheur de la nouveauté tant la scène actuelle nous désespère. A priori, on n'a pas fini de s'esbaudir devant Karen Dalton vu que la relève se fait attendre… On parle un peu de la scène musicale française, du groupe La Femme qui vaut son pesant d'arachides alors que sur papier glacé, c'est exactement le genre de truc qu'on peut haïr bien raide parce qu'un peu trop tendance cheapster. Mais non, La Femme, c'est plaisant pour l'instant et ça ne nous fait pas encore penser à un truc de couture prêt à porter. C'est vrai que Joe et moi, on a un problème avec l'affiliation marque déposée et musique. Bon, les Beach Boys et Fender, ça ne m'a jamais dérangé. Mosrite et the Ventures non plus. C'est déjà un peu plus agaçant quand ça concerne les fringues. Justement, encore un truc de cheapsters. Phénomène somme toute récent qui prend écho sur la blogosphère hexagonale avant de s'amplifier de façon putassière chez les anciens piliers du rock et folk en France.
Joe en revient à me parler d'Alela Diane, de me dire comment il s'était senti dupé, voire trompé tant il appréciait la demoiselle, tant il avait suivi avec entrain son début de carrière: " Je me suis senti sali de voir ça devant moi… les arrangements me faisaient penser à the eagles, c'est pour dire… je suis rentré amoureux et je s'en suis sorti cocu!" N'est pas Jesse Sykes qui veut! Autant la musique folk intimiste peut connaître ses limites, autant le passage à l'électrique peut être un désastre chez certains, la preuve chez l'Alela… Elle aurait mieux fait de continuer à faire du champêtre ou de faire la bande originale de Juno 2. Je ne dis pas ça parce que j'aime pas ce film et je ne sais pas plus s'il va y avoir une suite à Juno, hein! On est entre nous et je me permets de digresser. J'ai bien aimé le film Juno… Si si, franchement. L'univers un peu décalé d'une Amérique qui n'est plus (trop) en proie à ses démons, de jeunes acteurs pas bronzés, pas musclés, pas symboles de réussite… un peu comme michel Blanc et Balasko dans les années 80 en nos contrées. Et la bande son était chouette, des trucs comme The Kinks, the velvet underground, Buddy Holly, Belle and Sebastian ou the moldy peaches, ça a de la gueule! Bon, faut quand même avouer que tout n'est pas exemplaire dans cette comédie à l'eau précieuse. Quand le duo principal gratouille du Kim Dawson sous le pommier, j'ai un peu envie de leur écraser la guitare en cagette sur la gueule. Pas parce que j'aime pas les guitares en cagette, pas non plus parce que j'aime pas les deux amoureux, juste parce que ce genre de scène bucolique a une fâcheuse tendance à me faire chier profondément. Et que de toute façon, pour faire sonner son instrument à poil chez Mère Nature, faut s'appeler The Byrds en visite chez Earl Scruggs. C'est comme ça, point barre. Y a des trucs qui sont ancrés solide et qui ne souffrent pas d'approximations. Pourtant, le principe actuel de communication chez les artistes étiquetés folk, c'est bien de se montrer dans les sous bois, jardins ombragés et autres champs de betteraves, genre "je joue de la guitare en bois et j'aime bien la terre et même que si je pouvais, j'en mangerais."
Joe et moi, on aime bien dire du mal, comme des retraités un jour de marché, comme ma mère quand elle pète la forme… Peut être notre passé d'abonnés à Pif gadget. En tout cas, aujourd'hui, on focalise sur les chanteuses estampillées folk parce qu'affublées de la fatidique six cordes en arbre. Après un rapide tour de ces faux chantres de la contestation oubliée, notre attention malveillante se porte sur Ladylike Lily.
Ladylike Lily est une jeune artiste bretonne propulsée "révélation folk de l'année" . Dès la première écoute, on se retrouve encore sous le pommier avec LA guitare en bois, élément indispensable à la folk attitude convoitée. Des chansons pop avec un timbre de voix femme-enfant insupportable parce qu'entendu mille fois à la télé, on est loin de l'univers folk promu. Le morceau "des perles et des patates", oh pardon, "Pearls and potatoes" est une pâle copie du plus niaiseux morceau de Kim Dawson, énième variation bobo branlette à la Cocoon, maudits soient ils. Un petit tour sur Le Internet nous installe encore plus dans la phobie du pommier. La madame folk gambade pieds nus dans les champs, se fait un collier avec des fleurs, joue avec des papillons ou des batraciens et… joue de la guitare sous un arbre, avec encore un gros plan sur ces pieds nus, puis gros plan complètement inutile sur un macbook, puis sur la guitare, toute seule dans les herbes, puis retour sur la madame, encore et toujours, avec sa robe à fleur… Forcément, on a un passage aquatique, avec la rivière qui va bien. On attend le moment des palmes et du tuba, pour qu'on rigole un peu, pour qu'on puisse se dire que finalement tout ça, c'était qu'une farce… Que dalle! Retour au gambadage, les pieds nus ou en mocassins indien fabriqués dans la province du Zhejiang. Mais apparemment, Ladylike lily, c'est vachement bien, c'est le crédit agricole qui l'a dit.
Commentaire inutile à m'envoyer: c'est pas le crédit agricole, con, c'est le label Mozaic!
Bravo et merci pour cette vérité rarement écrite.
Merci, merci, et encore merci pour cette clairvoyance piquante, qui aurait pu être encore plus démesurée.
Toujours pas signées ces billets !