Les ruines affectives et les amours unilatérales.
"Se raconter, c'est le discrédit assuré auprès de l'entourage ! Tu vas te faire des ennemis de partout, il faut que tu le saches." Fabrice Néaud en est conscient et se met en scène dans son journal paru chez ego comme x, collectif dont il est l'un des fondateurs en 1993. Réflexion sur la pudeur et sur l'hypocrisie, sur les nécessaires tensions entre l'art, l'amour et le quotidien, la grande force de ce journal intime en bande dessinée est d'illustrer la démarche de création de et dans l'œuvre et de ne rien dissimuler, transposer ou trahir.
Ce journal, c’est aussi une chronique de la dépression dans sa singularité, de la solitude et de la difficulté de témoigner de la précarité car « le chômage ne rend pas intelligent : il isole et il n’engendre pas une conscience collective de la misère ».
Au fil des pages, le discours se structure et le dessin réaliste fait parfois place à des pictogrammes : le lecteur, facilement immergé par la beauté du trait peut donc refaire surface et se concentrer sur l’écrit.
Avec une maîtrise incroyable, Fabrice Néaud écrit et illustre ses émotions : l’amitié en prise avec l’expérience du travail collectif, sa famille et celle de l’autre, les « ruines affectives » et les amours unilatérales, et le difficile travail du deuil de la relation.
Un travail qui ne devrait, si l’on croit son auteur, ne finir qu’à sa disparition … on attend le 5éme tome et tous les autres…A suivre
Pat le lévrier.