Terra Incognita

In the future everyone will be famous for fifteen minutes

 Big brother is watching you, tous les jours et partout. Vous avez peur ? Moi aussi ! Korrigo, cartes à puces, portables, adresses IP, on peut vous retrouver à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, où que vous soyez, quoi que vous fassiez… 

On va éviter de tomber dans la théorie du complot du « tous contre nous », les « ils » « eux » « on » nous surveille, rien que pour ne pas devenir parano. Mais quand même, il y a des affaires qui font peur un peu. Comme ce projet proposé au ministère de l’Intérieur français pour comptabiliser les manifestants grâce à leurs téléphones portables… et éventuellement les reconnaître et inscrire ça sur leur fiche RG, au passage.

Ca s’appelle la géolocalisation : on localise géographiquement un objet ou un individu par satellite, téléphone portable, capteurs, etc. Créée en 1978 avec le lancement du premier satellite de ce type par l’armée américaine, la géolocalisation s’étend au secteur civil dans les années 1990. Début 2000, les GPS deviennent accessibles au grand public, l’armée américaine libère les fréquences satellitaires, la localisation s’affine : on peut géolocaliser une personne grâce à son téléphone mobile.

 L’empire contre-attaque

En juillet 2006, des chercheurs du MIT ont réalisé le comptage et le suivi des déplacements des rues de Rome lors de l’accueil de l’équipe de foot vainqueur de la Coupe du Monde de foot. Et ce grâce aux téléphones portables des Romains, quelques informations d’un opérateur de téléphonie mobile et un satellite. Pour l’Institut de recherche, cette géolocalisation satellitaire représente un moyen bien moins coûteux que les enquêtes publiques, l’utilisation d’hélicoptères ou de caméras pour dénombrer les participants à une manifestation, aider les compagnies de transports à ouvrir une nouvelle ligne de bus, ou localiser les rues les plus passantes pour une chaîne commerciale.…et si les universitaires, une fois n’est pas coutume, se laissaient dépasser par l’usage de leurs découvertes scientifiques ? Et si cet « outil de comptage » se faisait outil de surveillance gigantesque ? Nous ne sommes après tout que trois milliards à posséder des téléphones mobiles sur cette petite Terre… Les téléphones sont déjà utilisés pour repérer les individus en cas d’enquête policières et selon la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés), les opérateurs sont juridiquement contraints d’effacer ou rendre anonymes les données techniques sauf en cas d’infractions pénales et pour les besoins de la facturation. Mais il s’agit ici d’un outil de géolocalisation massive en temps réel. Et puis après… La vidéo surveillance, l’enregistrement de vos déplacements dans les transports en commun, qu’est-ce que ça peut vous faire si vous n’êtes pas un criminel, si vous n’avez rien à cacher ? Rien à cacher… Et le droit à l’anonymat ? Mes libertés individuelles comme le droit à la vie privée, la  liberté de circulation, la liberté de conscience ? Notre liberté de participer à une manifestation en tout anonymat ? Constitutionnellement parlant (parce qu’il faut bien des fois), l’atteinte à ces libertés n’est possible que si elle est proportionnelle à l’objectif à atteindre. Alors, efficaces et légitimes les outils de surveillance ? 

1.000.000 de caméras en 2012 

Selon Libération du 10 novembre 2007, il y aurait 350 000 caméras sur le territoire français et le gouvernement voudrait passer au million d’ici 2012. Peu d’analyses sont faites sur l’efficacité et la légitimité de la chose. L’argument des libertés individuelles n’est plus vraiment évoqué, le principe de la surveillance par la technologie généralement accepté. Les résultats sont pourtant plus que mitigés. Mais en tant que bonne citoyenne, pas de problème… Ca ne sert peut-être à rien mais ça ne peut pas faire de mal. Ou si… peut-être parce que cela induit le soupçon sur chacun. Vous vous promenez dans la rue, allez chercher votre baguette de pain et vos croissants du matin. A priori, rien d’inquiétant. A priori vous ne faites rien de mal. A priori… Mais les petits objectifs planqués dans les réverbères au-dessus de vous induisent le contraire. Lorsque vous sortez d’un magasin les mains dans les poches et qu’un gros bras vous scrute des pieds à la tête, vous cherchez, comme tout le monde, à prendre l’air le plus normal, à faire bien, propre sur vous. Vous n’avez pourtant rien volé cette fois-ci, mais vous en êtes soupçonnés.  

J’aime pas les couleuvres !

Vous avez peur hein ? Mais si vous avez peur ! Ces caméras, le contrôle des déplacements des marginaux, ces dispositifs sont nécessaires à la sécurité des honnêtes gens et à votre tranquillité. Notre société est violente… un JT de la première chaîne par jour, agrémenté d’un petit « Droit de savoir » hebdomadaire et on tombe dans le panneau. Est-ce que c’est l’insécurité qui règne en France ou la peur ?  Peut-être une caméra dissuadera un gars de piquer un portefeuille. Le problème en sera-t-il réglé pour autant ? Les technologies, aussi nombreuses et bien présentées soient-elles ne peuvent pas combler les lacunes sociales et politiques. En faisant de la sécurité et de la lutte contre la délinquance des priorités, on détourne l’attention des causes pour ne plaquer que quelques pansements. Ce qui est certainement le plus inquiétant, c’est le quasi consensus autour de ces dispositifs. La population accepte la surveillance qu’on lui impose. Le respect des Droits de l’Homme a pris un sacré coup ces dernières années. Et la lutte anti-terrorisme… la belle aubaine ! 

La tranquillité ? Non, merci !

Le contrôle de tous, partout et toujours, c’est se méfier de son voisin, de l’autre, du différent et de soi peut-être aussi. Nos politiques ont lu Foucault et le panoptique de Bentham n’est jamais loin des politiques de sécurité. Cette idée architecturale d’une prison dans laquelle l’idée de surveillance est incorporée par les prisonniers pour que cette surveillance soit à la fois moins coûteuse et plus efficace semble les inspirer.  Dans cette prison à la forme circulaire, chaque cellule donne sur un cylindre central aux vitres teintées où un surveillant se trouve parfois. L’opacité des vitres du cylindre empêche les prisonniers de savoir quand le surveillant est présent et quand il ne l’est pas. Le prisonnier incorpore  le système de surveillance dans son propre comportement. Idem pour les caméras. Vous filment-elles…ou pas ? Pour Foucault, ce « panoptique » de Bentham induit chez le détenu un état conscient et permanent de visibilité qui assure le fonctionnement automatique du pouvoir. Les détenus intègrent les contraintes et ce système permet d’imposer un comportement sans recours à la force.  

Il y a 220 ans, l’ami Jean-Jacques nous disait qu’il fallait se méfier de ne réclamer que sécurité : on est tranquille dans les cachots… est-ce assez pour s’y trouver bien ? 

 

STELLA BROSSE

5 Commentaires pour “In the future everyone will be famous for fifteen minutes”

  1. Dwight K. Shrute, Guilde amish de lutte contre le vampire de Pennsylvanie dit :

    Hilarant cet article ! Ah, le retour du grand méchant Big Brother… Tout le monde se plaint de trois pauvres caméras borgnes en centre-ville mais déballe sa vie sur les infâmes Facebook, Twitter et autres blogs en tous genres (lire à ce propos l’excellent article de Melchior Dysanthrope « Et moi, et moi, et moi » dans la rubrique « Les Sociétés secrètes » de Le Rennet).
    Si vous voulez vraiment flipper, allez juste faire un tour sur Google Maps, double-cliquez sur un point et enclenchez le zoom au max. Continuez même si le message « Désolé, aucune vue aérienne de cette région… » apparaît. Oh, miracle, on peut littéralement se balader dans les rues de Rennes ! J’entends d’ici les cris d’orfraies… Et ça, c’est accessible à domicile pour n’importe quel clampin. Imaginez alors ce que les professionnels du renseignement ont en leur possession. Etonnant, non ?

  2. marmotte dit :

    C nul je v pouvoir me matter les poils du cul qd je chies , avis au amateur

  3. Nichachien Reilly dit :

    Au secours, les martiens essaient de prendre contact…
    Ou alors c’est du volapük.

  4. cdglowbfx mejgl aweimx lymhge bwsjvryq vyns smcrtnpe

  5. Grady dit :

    Quite so.

    But just because you’re paranoïd, it doesn’t mean the bastards aren’t out to get you !

    (Who said that ?…
    I did – that’s a relief !)

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