Après toute une St-Glinglin à forer sur les quais de Seine, les scientifiques étaient finalement en mesure hier soir d'infirmer un mythe populaire tenace, selon lequel les pavés de Paris dussent recouvrir un vaste tapis arénacé. « Il n'y a jamais eu de plage là-dessous » déclarait Mr. Latuille, géologue à l'institut Géo Trouvetout à Marne-La-Vallée. « Tout au plus a t-on retrouvé quelques slogans creux, mais à peine avaient-ils été déterrés que leur exposition à la réalité du 21è siècle les faisait s'effriter et tomber en poussière. »
On n'en continue pas moins de pérorer sur le printemps 68 sur toutes les ondes de France et de Navarre; dressant des parallèles avec la France sous Sarkozy… Suppliant presque les « jeunes d'aujourd'hui », dans des réunions télévisuelles d' « anciens combattants » poudrés, de refoutre le boxon « comme au bon vieux temps »… Mais démographiquement parlant, c'est cette génération-là même, ce sont ces baby-boomers de l'après-guerre qui ont eu vingt ans en 68, qui pendant les 40 dernières années étaient dans les écoles, les conseils d'administration, les médias, les cabinets, partout où on prenait des décisions… En d'autres termes, ce sont eux les vieux cons! Le merdier actuel, c'est leur legs! Et la chienlit de naguère se permet de nous faire la leçon malgré tout! Il sort presque un livre sur mai 68 par jour! La plupart romancés à gogo… « Comment j'ai interdit d'interdire aux panneaux de sens interdits de mon quartier », « Ma libération sexuelle sur le canapé pompadour de papa », « Kung-fu fighting dans un panier à salade Citroën »… Tous insistent que Mai 68 « a tout changé ». Sans les émeutes providentielles d'il y a quarante ans, on vivrait en 2008 dans une société inégalitaire, individualiste, matérialiste ! Quelle horreur. Vous n'imaginez pas ce à quoi on a échappé!
Que sont devenus ces révoltés de la vie ? A tous les coups, ces onanistes concoctent aujourd'hui des pubs ronflantes pour des voitures ou des arabicas. Ou bien sont-ce des producteurs adipeux de tubes de l'été pour adolescent niais ? Des agents immobiliers neuilléens ? Des chercheurs en lotions raffermissantes ? Des chroniqueurs (euses) de la lubricité mondaine? Des partenaires de partouze de Martin Bouygues? On voit partout de ces sexagénaires roulant en Mercedes classe C, portant des pompes lustrées, discutant du Festival de Cannes, comparant le feng-shui de leur résidence secondaire avec l'ordonnancement de leur bureau au centre-ville… Mais parlez-leur de leurs vingt ans, vous les verrez réciter le livre rouge, la larme à l'oeil… Disserter caillasses et lacrymos… Alors d'où leur vient cette thune? Ne devraient-ils pas craindre en connaissance de cause qu'on ne leur raie leur bagnole, leur piétine leurs grolles, leur saccage leur patio? Pourquoi ces gens ayant prétendûment tutoyé la révolution se passionnent-ils pour des colifichets puérils ?
Le fond du problème est rien moins qu'eschatologique : l'être humain serait-il donc prédestiné à devenir en vieillissant un gros con suffisant de droite ? Faites le tour de vos amis de dix ans. Est-ce qu'ils ne se comportent pas comme de vils bourgeois en gestation? Prenez la civilisation disparue d'Atlantide, société autrefois florissante de blonds éphèbes et de sylphides bandantes qui avait inventé l'I-Pod et le minitel rose dix-mille ans avant tout le monde… Aux premières heures de son histoire, Atlantide respirait la fraternité, le partage, la solidarité. A la fin, c'était devenu un ramassis de fachos précolombiens.Pour conclure, la prochaine fois que vous verrez tonton poncer son pavé commémoratif en demandant « qu'attendez-vous les jeunes pour faire la révolution ? », n'oubliez pas de lui demander en retour qui paiera pour sa retraite à Aix-En-Provence. Ou bien foutez-lui un coup de boule, selon votre humeur.
Max Messerschmitt
Après les derniers polus viendront les derniers résistants, puis les anciens d’Indo, les anciens d’Algérie… dans 20 ans, on décorera peut être les anciens de 68…