Au panthéon des disques foutrement chtarbés des années soixante, un maniaque bariolé partage avec d'anciens bidasses devenus Monks le pouvoir sacré de traumatiser les curieux… Des moines psychotiques, chouchous de cette rédaction, on se fera une joie de reparler une prochaine fois. Pour l'heure, mettons le feu à nos vêtements et entrons en farandole dans le Crazy World Of Arthur Brown.
Les basses palpitent comme une insomnie. Un orgue ensorcelé tourneboule dans le sabbat fluorescent. Zébrures de cuivres ignés. La fanfare du nid de coucou déboule dans votre salon. La prêche d'un clown pyromane vrille sans prévenir dans des aigus à rendre fou. « Dynamic explosions in my brain shattered me to drops of rain falling from a yellow sky ». Densité du délire d'un gourou schizophrène: un feu follet n'y retrouverait pas ses petits.
Tourbillonnant défoncé parmi les montures embrasées d'un carrousel psychédélique, j'élève une main à mille doigts pour me rattraper à la Voix profonde du démiurge frappadingue. Point de pompon- le billet est à chercher dans les chevelures roussies des vestales accroupies sur leurs chevaux de manège enflammés et qui lapident à chaque tour le visage géant de Walt Disney posé sur une petite cuiller.
Mon esprit se retrouve enfermé avec un désaxé hirsute dans une maison en caramel mou qui va rétrécissant. Le fou rebondit contre les murs en poussant des cris stridents qui me paniquent. Englué, spasmodique, je manque étouffer quand un bec bensen transperce le sol caramélisé, autour duquel est agrippé le docteur Sigmund Freud bredouillant une histoire de symbolique sexuelle. Sous ses paroles, le maniaque bondissant se jette sur le bec pour se transformer en une flamme braillarde. « I am the God of Hellfire and I bring you FIRE ».Premier bardō.
« God Brother… you LIE! », condamne la Voix. Une tenture se lève sur la Mésopotamie foisonnante. Staccatos impies de cordes dont on fait les pendaisons. Devant le gibet, un Méphisto cramoisi bichonne son étal de fioles multicolores et hèle les passants du rêve: « Come and see, come and buy! I can sell you… love… I can sell you… the morning sun… ». mais « the price of your entry is SIN ». Le dormeur songe qu'il s'endort dans les orgues et l'encens. Il rêve qu'il cauchemarde. Confusion. Angoisse. Paradigmes. « Why is it so cold in here? You're gonna burn, burn, burn, burn!!!! ». Second bardō.
Clic. Double réveil. L'aiguille du tourne-disque est allée se repositionner sur son socle. Incroyablement intacte. Oserai-je la faire tourner sur l'autre face de ce disque-monde Pratchettien? Oui, évidemment. Mes paupières sont lourdes. Mes muscles engourdis. L'odeur du soufre se répand dans ma pièce, dans mes narines, grésille enfin dans mon petit doigt qui me mène dans ma corbeille de linge sale où brûle l'oeil du sorcier. « I put a spell on you ». Il m'a jeté un sort. Je suis à lui. I better stop the things that I do. He ain't lying. Nul ne peut résister au happement de cet orgue sortilège.
Je me retrouve entraîné à courir au gré des pizzicatos de violoncelle dans un jardin d'Eden revisité 61 où Timothy Leary, assis dans les branches d'un pommier frétillant, s'amuse à contrecarrer ma course démente en faisant apparaître des pommes dans mes jambes tandis que Charles Manson commente « the great spontaneous apple creation » avec des halètements infernaux et que tout s'écroule à toute vitesse autour de nous. Où donc est l'Ève? Brigitte bardō.
Dévalant la montagne magique de Thomas Mann sur une ordonnance de cure de repos, je tombe à grand fracas dans le jeu des perles de verre. Des forains ivres me prennent par le bras pour me mener aux agapes où l'on dilapide l'argent d'un James Brown en toge de patricien. J'ai perdu l'esprit. Je n'appartiens plus au monde réel. Je suis désormais un enfant de ce royaume cinglé. « Child of my kingdom », me berce la Voix. Je ne suis que trop rentré dans ce disque. Et maintenant, comment j'en sors?
À l'AAAAAAAAAIIIIIDDDDDDEEEEEEEEEE!!!
Lazarus Larzac
Amicale psychédélique de la Table Ronde