Tony Roman, c'est le monsieur 100.000 volts d'outre Atlantique, la tornade canadienne, le twister franco-canadien, la toupie québécoise… Idole des jeunes canucks, Tony Roman imprégne de sa fougue Soul le Québec des années 60.
Né à Montréal, en 1942, Antoine d'Ambrosio est un élève inspiré du conservatoire royal où il apprend le piano. Dès 1959, il choisit son nom de scène et devient Tony Roman. Mûr pour la scène, il forme son premier groupe et se produit sous le nom de Tony Roman et les Tip tops où il exerce son talent de chanteur et danseur frénétique. Mettant à profit sa formation de pianiste, il accompagne également de nombreux chanteurs et groupes, dont les Baronets… le groupe de René Angelil. Tony est un des premiers fans des Beatles au Canada. Il pousse les Baronets à enregistrer des adaptations françaises des "Fab Four", leur apportant un son nouveau et un nouveau public, plus juvénile. Lui même enregistre une version française du smash "she loves you" qui devient "elle t'aime".
En 1964, il connaît son premier succès avec sa version francophone de Doo wah diddy. Monsieur yéyé, comme on le surnomme à l'époque, forme un nouveau groupe pour l'accompagner, les Dauphins. Tony et les Dauphins signent sur l'étiquette "Jupiter", le label à la mode du producteur Yvan Dufresne. Le succès mineur dans sa forme originelle de doo wah diddy, interprété par les Exciters, est balayé par la reprise des Manfred Mann qui en font un hit international. Le succès profite également à Tony et les Dauphins qui ne tardent d'ailleurs pas à reprendre "sha la la", également un tube du Manfred Mann. En 1965, Tony est en passe de devenir une star au Québec. Il participe à la revue "yéyé 65" et tourne aux quatre coins de la province. Après cette tournée, Tony Roman est définitivement lancé et son apparition sur scène fait baver le public juvénile et déclenche des crises d'hystérie chez les filles.
Monsieur yéyé multiplie les enregistrements et reprend les Everly Brothers, Ray Charles, Johnny Hallyday ou bien encore Claude François. A la fin de l'année 1965 jusqu'au début 66, Tony Roman s'en va à New York pour s'inspirer des nouveaux sons et de la nouvelle scène… New York n'est qu'à quelques heures de Montréal et pourtant le québécois sait qu'il s'y passe des choses nouvelles et émergentes. Tony est féru d'innovations dans la forme sonore. Pendant sa courte expérience américaine, Tony s'imprègne de tout, nouveautés de prises studio, scène Garage et Soul mais aussi de la nouvelle façon de traiter des affaires et de faire du commerce avec la musique, notamment sur l'importance des nouvelles étiquettes, les labels entièrement dédiés à la jeunesse. Dès son retour à Montréal, il créé sa compagnie de disque, Canusa, contraction de Canada et d'USA. C'est également à New York qu'il rencontre sa compagne, Nanette Workman, chanteuse et ancienne choriste des Rolling Stones. Il lui compose des titres mais les labels québécois refusent d'enregistrer la demoiselle parce qu'elle a un accent français déplorable. Qu'importe, Tony enregistre Nanette et sort ses disques sur son label Canusa. Lui même donne de sa personne et enregistre Hanky Panky, un hit des Tommy James and the shondells. Le disque est un succès et une piste de lancement pour son label naissant.
Définitivement tourné vers la Soul et le Rythm and blues, Tony enchaîne les versions québécoises des grands titres de la Soul de l'époque, comme Attends-moi je reviens (Hold On, I'm Coming / Sam & Dave), Je suis seul (what is Soul ? / Ben E. King), Mustang Sally (Sir Mack Rice). Production extrêmement dynamique, grooves implacables et cuivres surpuissants, l'étiquette Canusa se fait un joli nom et devient gage de qualité. A noter que les titres chantés par Tony Roman sont bourrés d'énergie et son chant est particulièrement "sauvage".
Plongé dans l'euphorie du mouvement Pop, Tony Roman s'inspire de ses idoles pour tenter des expérimentations sonores. Fan de Spector, George Martin ou de George Shadow Morton, il fait des expérimentations sonores, enregistrements remplis de collages ingénieux et de bizarreries psychédéliques. Ses expérimentations profitent aux artistes Canusa comme les Hou Lops, Révolution Française, le 25e régiment…
Il collabore notamment avec l'artiste et producteur français Jean Pierre Massiera dans des projets psyché pop, comme Expérience 9 (Maledictus Sound) ou les réels psychédéliques. Les deux artistes innovent dans le traitement de la réverbération en studio, alliant nouvelles technologies sonores et instruments vintages, claviers fous et arrangements grooves. Toutes ces tentatives ne connaissent que moyennement de succès populaire mais lancent une nouvelle façon de travailler, une ouverture où tout est possible. Tony adapte un concept de George Morton, à l'origine écrit pour les Shangri Las, se nommant past, present and futur.
En 1968, Tony Roman et Nanette Workman connaissent un succès grandissant avec une émission de télé hebdomadaire, fleurs d'amour et d'amitié. En 1969, non content de ses labels Canusa et A1, Tony Roman créé les labels Révolution, Visa et RandB. Ce dernier, super étiquette soul et rythm and blues, ne dure qu'un an mais permet la sortie de trucs très chouettes comme Jacques Desrosiers, Armistis ou Jacques Crevier. Jacques Crevier est compositeur, producteur et arrangeur en chef pour Tony Roman. Ils se sont connus à l'époque des Baronets dans lesquels Crevier jouait de la guitare. Largement méconnu, Jcques Crevier a été incroyablement présent sur toute la scène québécoise entre 1960 et 1980. Dans les années 70, Tony Roman connaît plus de succès par l'intermédiaire de ses artistes que par sa propre carrière. En 1971, il connaît un one hit single avec une adaptation de Morricone, la ballade de Sacco et Vanzetti, qui devient la ballade de Riel et Chénier. C'est un de ses derniers tubes, si ce n'est "la grosse Mado" en 1975 et Ani Kuni, une version psychédélique d'un mantra amérindien. Il produit l'album de Boule Noire en 1976 qui connaît un grand succès.
Fin 1976, Tony Roman anticipe le mouvement punk en enregistrant de jeunes groupes émergents sur ses labels Plastic Poison et Montreco C'est sur ce dernier label qu'il signe le groupe des frères Fenton, The Action, groupe punk de Toronto. L'enregistrement de The Action est le premier enregistrement punk canadien. Le mot d'ordre de Tony Roman devient "Hurry Up, Forget The Tuning". Il sort notamment un groupe monté par Kim Fowley nommé Venus and the Razorblades.
Peu après, Roman se retire sur la côte ouest américaine. Depuis sa participation au film de Harel, Bulldozer, Tony Roman est passionné par le cinéma. A Los Angeles, il fait des musiques de films, participe à l'écriture de scénarios. A son retour au Québec dans les années 90, il se joint à la maison de production cinématographique Malo. En 2004, il co scénarise son synopsis de Camping sauvage qui est réalisé par Guy Lepage. Tony Roman meurt en 2007