Aujourd’hui est un grand jour …
Juin 1977. Mon cœur bat la chamade comme jamais : après maints complots et diverses opérations de lobbying, mon grand frère m’emmène enfin au concert de fin d’année des élèves du lycée. Il faut comprendre mes parents : leur petit, du haut de ses onze ans, au milieu de tous ces zazous, beatniks, blousons noirs ! Mais non, une fête de lycée, c’est pas un concert des Bérus, on en revient vivant ! Je passai d’ailleurs une si bonne soirée* que je m’engouffrai alors dans la fréquentation assidue des salles «où-y’a-d’la-musique-de-jeunes». Je me souviens de tous ces «grands», des épingles à nourrice dans les joues et affublés de colliers de chiens… Mon grand frère détesta, j’adorai immédiatement.
Je pris donc mon petit baluchon et parti seul vers des contrées musicales jusqu’alors inexplorées : le punk, ce n’était pas Plastic Bertrand ! Les punks pouvaient être de bons musiciens ! L’écoute assidue de Deep Purple, de Queen et de Mountain déformait le goût ! C’est ainsi donc que je fis connaissance avec les Stranglers, laissant mon enfance s’étioler au contact de ces vrais gros méchants du rock.
Entre 1974 et 1976, les étrangleurs (nom trouvé en hommage à l’étrangleur de Boston) écument les bars et petites salles de concerts, rythmant leurs prestations par de multiples rixes et autres embarquements en panier à salade. Jean-Jacques Burnel, bassiste et ceinture noire de karaté, provoque et insulte le public constamment, et n’aime pas du tout la critique : Philippe Manœuvre sera ligoté et abandonné au premier étage de la tour Eiffel pour un papier subversif quelques années plus tard. Lorsqu’ils passent à Rennes au milieu des années 80, ils kidnappent une jeune fille dans le public pour la ligoter et simuler son viol entre deux insultes. Bref, ce ne sont pas des garçons sympathiques, un fan vous dirait qu’ils subissent l’incompréhension de leur public, mais le moins que l’on puisse dire, c’est que leur musique rattrape largement leur attitude déplorable.
Et quelle musique ! Une basse forcément vrombissante, une guitare évidemment arrogante, une batterie qui tape dur, un orgue dont on se demande ce qu’il fout là mais qui est en fait indispensable, la voix d’Hugh Cornwell, d’un pessimisme qui prend aux tripes… Les premiers albums sont autant de joyaux punk rock qui ne prennent toujours pas une ride !
Comme beaucoup de groupes qui ont décidé d’exister le temps de plus de 3 albums, les Stranglers sont de moins en moins intéressants au fur et à mesure que les années 80 s’égrainent : la folie punk passée, nos étrangleurs commettent quelques albums plus pop (La folie, Feline, Aural Sculpture), pour sombrer dans un rock FM très mauvais (ne pas écouter Dreamtime ou 10 !) à la fin des années 80.
Il paraît qu’ils existent encore, qu’ils sont passés l’année dernière, qu’ils continuent à enregistrer, que le chanteur n’est même plus le même, mais je n’en veux rien savoir, afin de préserver une petite part du sentiment de «première claque punk de ma vie», de garder cette même impression liée à l’instant passé que je me remémore à l’écoute de leur musique.
Pour les lecteurs débutants en matière de strangulation, une excellente compilation est parue en 1982, mais largement rééditée depuis, intitulée The collection 1977-1982. Elle donnera un bon aperçu de la meilleure période.
Parlant d’étrangleur…je suis bien contente de voir Mr Burton pousser plus loin la réflexion de son « Edward aux mains d’argent » avec « Sweeney Todd »: l’Edward de Burton revient en barbier sanglant ». Un article bien documenté sur Rue 89.
Ptet que si les anglois avaient gardé un peu d’agriculture Londres n’aurait pas donné idée à créer des serial killer. Ahhh l’époque victorienne, l’exploitation humaine et ses rentières collectionneuses d’assiettes en porcelaine avec le portrait de la reine ou …de chats. A étrangler!