Discographie

Captain Beefheart and his magic band

Captain Beefheart n’est pas une chaîne de fast-food américaine… ce n’est pas non plus un super héros de comics issu d’un croisement entre espèces bovines et humaine (le concept a été déposé par les Grecs depuis bien longtemps).

Ce n’est pas le surnom d’un joueur vedette du championnat de football américain. Captain Beefheart est le nom de scène de l’un des chanteurs les plus déjantés de l’histoire du rock, aujourd’hui retiré des décibels, et menant une vie de peintre érémitique, un certain Don (Van) Vliet.

Les origines du Captain Beefheart beuglant remontent à la décision farouche de Mr. Vliet père de décliner les propositions de bourses d’études faites à son fils par une école d’art européenne. A 13 ans en effet, notre Don Vliet jouit déjà d’une certaine renommée artistique, grâce à des talents de sculpteur qu’entérinent plusieurs apparitions télé. Afin d’éviter toute tentation relative à la fibre créatrice du fiston, la famille Vliet quitte la Californie pour le désert mojave.

Au cours de ses études à l’université d’Antelope Valley, Don Vliet fait la rencontre de Frank Zappa, guitariste fantasque passionné de Rhythm & Blues. Les deux hurluberlus se lient d’amitié et jouent dans plusieurs groupes inconséquents, échafaudant des bizarreries parmi lesquelles un opéra intitulé I Was A Teenage Maltshop, et un projet de film intitulé Captain Beefheart vs. The Grunt People. Le projet n’aboutit pas mais Don Vliet garde le pseudonyme. Le partenariat Vliet/ Zappa est interrompu en 1964 par une descente de police au studio de Cucamonga et l’interpellation subséquente de Zappa pour obscénité.

Début 1965, Don Vliet est contacté par Alex Snouffer, guitariste local qui lui propose de monter un nouveau groupe. La première mouture du Magic Band est constituée de Doug Moon à la guitare rythmique, Jerry Handley à la basse, Vic Mortensen à la batterie (bientôt remplacé par Paul Blakely), et d’Alex Snouffer et Don Vliet, qui changent leurs noms en Alex St Clair et Don Van Vliet.

En dépit de l’orientation franchement peu policée de sa musique, le groupe est repéré par A&M, maison de disques inoffensive qui le signe aussitôt.

Après avoir livré deux 45 tours sans grand succès (« Diddy Wah Diddy », une reprise de Bo Diddley, et « Moonchild », écrit par un certain David Gates), Don Van Vliet s’attelle à composer un premier album. Mais les gens d’A&M sont tellement offusqués par les maquettes qu’ils reçoivent, jugées « trop négatives », qu’ils annulent aussitôt le contrat. Le label Buddah récupère le groupe. Paul Blakely est remplacé par John French. Le groupe déménage à Los Angeles pour enregistrer. Gary Marker est engagé comme producteur, mais il se fait mettre à la porte sitôt après avoir convaincu Ry Cooder, avec lequel il a joué au sein des Rising Sons, de rejoindre le Magic Band. Un inconnu du nom de Richard Perry est embauché derechef. Les séances d’enregistrement dégénèrent, Doug Moon est viré, Jerry Handley manque de l’être d’un cheveu, on est parfois dans l’obligation de convoquer des musiciens de studio. Dès lors, on se perd en conjectures : qui a joué sur quoi ? Et qui est cet Herb Bermann, crédité co-auteur de huit titres sur douze ? L’infortuné Marker prétend avoir été présenté à trois Herb Bermann différents par Don Van Vliet. A d’autres, le chanteur affirme avoir inventé ce personnage de toutes pièces afin de minimiser sa mainmise sur le disque.

 

 

 

Safe As Milk sort en septembre 1967. Titre mensonger. D’abord parce que l’album est commercialement risqué. Ensuite parce qu’il est très douteux que le lactose ait joué aucun rôle dans sa composition. On penserait davantage au bourbon ou aux amphétamines…

Don Van Vliet chante un peu comme Barbe-Bleue une nuit de lune de miel. Bien avant de ressusciter des pépés caribéens, le Ry Cooder tricotait ici des riffs barbelés avec une fluidité impeccable (le riff d’amorce en particulier est une petite merveille contondante). Avec un batteur spasmodique et une basse priapique par-dessus le marché, Safe As Milk est un album brut, roboratif, qui donne confusément envie de donner des coups de pied au cul, histoire de faire bouger le monde. Avec des bottines en peau de crocodile !!! A la seule exception d’un « I’m Glad » de bal de fin d’année (quoique nettement ironique), tout est démentiel. « Sure ‘Nuff ‘N Yes I Do » est une sorte de boogie épais des bayous de Louisiane. « Zig Zag Wanderer » un swing détonant. « Call On me » et « Yellow Brick Road » sont des cas concrets de Rhythm’n’Blues corrosif. « Dropout Boggie » est carrément garage, limite sidérurgique. « Electricity » et « Abba Zabba » sont des loufoqueries carabinées à faire tomber bien des mâchoires. Bref, Captain Beefheart avait tout bon d’entrée. C’est après que ça se gâte. Les bonus de l’édition CD de Safe As Milk permettent de se faire une idée de la nouvelle direction expérimentale voulue par Don Van Vliet, qui sera en évidence sur Strictly Personal, l’album suivant. Fortement marqués par le free jazz et le dadaïsme, le Captain et son Band commencent à s’affranchir du blues-rock de leurs débuts pour s’orienter vers une musique avant-gardiste et débridée. Mais tandis que le groupe est en tournée en Europe, le producteur Robert Krasnow décide d’assaisonner le disque à la sauce psychédélique pour le rendre plus lisse et plus en vogue. Van Vliet est furibard et il renie le disque.

 

En réaction à cette injure mercantile, et avec l’assentiment total de Zappa comme producteur, Captain Beefheart enregistre en 1969 le double album le plus déglingué de l’histoire du rock, le fameux Trout Mask Replica.

Trout Mask Replica est la blague préférée des journalistes, qui prétendent l’avoir écouté en entier et avoir trouvé ça génial. En réalité, il est quasiment impossible d’écouter cet album d’une traite sans fléchir. Convulsif et déstructuré, il représente un défi masochiste pour le commun des tympans. Le pari bravache se transmet de génération en génération depuis 1969 : « tu peux pas te le taper en entier ». De fait, Trout Mask Replica serait en quelque sorte le pendant musical d’une crise d’épilepsie de 79 minutes. Une vraie cacophonie plombée, un foutoir bruitiste, un happening, une sculpture musicale façon César Baldaccini. Ca me donne envie de le réécouter, tiens.

Dans les années 70, Captain Beefheart enregistrera plusieurs albums dont je me suis laissé dire qu’ils étaient plus accessibles, particulièrement The Spotlight Kid,et il collaborera de nouveau avec Zappa à de nombreuses reprises. Mais en 1986, Don Van Vliet tirera sa révérence. Il se retirera dans le désert Mojave pour s’adonner à son autre passion, la peinture : « Sortir du rock a beaucoup amélioré ma vie et je suis beaucoup plus en paix avec moi-même quand je peins ».

 

Joe l'trembleur

www.beefheart.com

www.freewebs.com/teejo/

www.shiningsilence.com/hpr/

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