Claironnons-le tout haut : avoir "la discothèque idéale" de Philippe Manoeuvre sur sa table de salon déclenche chez l'exégète nostalgique des bouffées de chaleur dignes d'un réacteur de l'A380…
…Aaaah, Manoeuvre… Ce sale môme a quand même fini par vieillir, pour se prêter à cet exercice compilatoire, certes, mais tellement péremptoire !
Fi des préjugés, scrutons l'objet : Beau, bien fabriqué, une belle maquette… Et là on se prend au jeu : " Tiens celui-là je l'ai, celui-là je l'ai pas mais il faudrait que j'y pense un jour…" … Bref, l'amateur éclairé ne se lassera pas de la flatterie que procure le feuilletage d'un tel ouvrage et constatera sans déplaisir qu'il a bien des goûts en commun avec Philippe Manœuvre…
Consensuel, ce dernier balise notre lecture avec tout le ghotta du rock des années 60/70 en affirmant ses choix : pas un seul album des Kinks, pas un Smiths, Bowie évoqué à travers "Pin-ups", alors que "Ziggy Stardust" ou "Hunky Dory", composés d'œuvres originales, sont tout simplement meilleurs… De la même manière, Manœuvre aura préféré "Entertainemnt" des Gang of four au "Remain in light" des Talking heads, dommage. On pourra regretter également l'absence pour les années 90 de Pavement, Grandaddy, Chemical Brothers et bien d'autres tant la pauvreté du choix dans cette époque est criante.
La soul est également le parent pauvre de l'opuscule : point d'Aretha Franklin, de Wilson Pickett, ou de Temptations, juste Marvin Gaye et son "What's going on" et un album disco de Diana Ross, certes produit par deux membres de Chic, mais quand même…
L’intérêt principal de l’ouvrage réside dans les petites anecdotes qui constituent la genèse de chaque album ; le tempérament orageux de Phil Spector, l’incroyable débauche des Stones au début des années 70, l’addiction des New York Dolls, chaque disque est le réceptacle de toute une mythologie rock’n’roll dont Manœuvre se fait ici le rapporteur.
Au final, on prendra ce bel ouvrage pour ce qu'il est réellement : l'œuvre d'un adolescent de 52 ans, fan de classic rock, plein de tendresse pour les disques qui ont jalonné son existence.
Rock'n'Roll : La discothèque rock idéale, 213 pages, Albin Michel, 24 euros
L'interview de Philippe Manœuvre sur B-side Rock