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Les fous du stade

Qu'est-ce qui est plus con qu'une amibe, plus grégaire qu'un lemming et plus bruyant qu'un échafaudage qui s'effondre ? Un supporter de foot, pardi!

Patrocle, parlant des supporters du Racing Club de Troie, s'exclamait déjà: « par Zeus, ils sont encore plus bourrins que les Spartes  ». Dans son Epître aux Arbitres Martyrs de Macédonie, St Athanase priait carrément Dieu de « balancer une nuée de criquets sur le kop Thessalonique, ça leur fera les pieds, à ces arriérés. » Plus près de nous, Schopenhauer écrivait en 1814 un essai méconnu intitulé Au Stade Avec Les Beaufs dans lequel il brocardait les hooligans du FC Dantzig. Selon ses biographes, c'est à partir de cette période qu'il devint l'anachorète grincheux dont a on fait tant de foin dans le numéro de Misanthrope Magazine du mois dernier. Comme si pareils réquisitoires ne réquisitoiraient pas déjà assez, la légende attribue la genèse de Sa Majesté des Mouches au match entre les pupilles du FC Stratford-On-Avon et les Portsmouth Piggies en mars 1964. En effet, plusieurs témoins affirment avoir vu William Golding rôder dans les gradins dans les instants qui suivirent le penalty litigieux. Regardant les bambins basculer dans la barbarie, l'écrivain aurait poussé un joyeux Eurêka! puis se serait mis en quête d'une cabine téléphonique pour demander son agrément à zeboss. Dans la même catégorie de penseurs, comment ne pas parler de Louis Lefourbe, auteur de N'Allez Pas Au Stade de France! sur ce même site (on aime bien se mousser entre collègues de Le Rennet).

L'actualité, cette tape-l'incruste rabâcheuse, nous rabat souvent les esgourdes avec la violence, la lâcheté, le racisme, la connerie abyssale des « ultras » qui enveniment les stades. En règle générale, y'a pas à ratiociner, plus la ville est importante, plus le supporter est un crétin. La banderole déployée au Paris St-Germain en finale de la coupe de la ligue cette année ne dément pas le théorème. Mais, comme le disait Lao Tseu, « y'a des cons partout ». La province aussi a des « ultras ». Animés par un virulent esprit de clocher, ils n'envisageraient jamais hasarder un orteil en dehors des 50 kilomètres carrés qui délimitent leur curiosité intellectuelle. Ce serait trahir leurs couleurs! Pour toute sublimation, ils brodent sur les tares des joueurs qu'ils adulaient encore la veille au soir. Le pied ailé qui, hier encore, faisait verdir Apollon de jalousie, se transforme en sabot de chèvre à la défaveur d'un tir manqué.

Il arrive qu'un de ces supporters, par hasard, découvre l'usage du dictionnaire. Il devient alors journaliste sportif. Le métier de journaliste sportif repose tout entier sur une formule de style unique: l'hyperbole (à ne pas confondre avec « antenne parabolique »). Sous la plume du journaliste sportif, le moindre Montcuq contre Gif-Sur-Yvette devient un péplum aux mille-et-un rebondissements. Ben Hur, ça fait gnognotte à côté. Ben oui, quoi, ça serait pas vendeur d'écrire tous les jours en une: « on s'est encore fait chier pendant 90 minutes », même si c'était scientifiquement exact (et ça l'est neuf fois sur dix). Donnez-leur du drame à ces agités, qu'ils s'agitent encore plus! Donnez-leur des gens à clouer au pilori! Donnez-leur de l'air à brasser! …

Que d'énergie dépensée dans le vide!

Avec les grandes compétitions internationales, le chauvinisme crasse s'affiche sans vergogne. On entend partout des verdicts anthropologiques défiant la somme des écrits de Darwin, tels que « les anglais sont des pédés! Les italiens des tricheurs! Les espagnols ont une petite bite! » Hourrah pour la fraternité des peuples! Et qu'on ne vienne pas nous parler du bel esprit sportif… Le sport moderne n'est plus que chiffres… Scores, statistiques, affluences, recettes du club et retombées pour les sponsors: rien de littéraire là-dedans. Il faudrait remonter jusqu' à Emil Zàtopek pour retrouver un semblant d'esprit dans le sport.

Parmi les non-supporters de foot, l'erreur la plus communément commise consiste à assimiler le supporter de foot type à un quadragénaire moustachu sentant des pieds. Mais il en existe de tous types. Tenez, j'ai moi-même un ami dont vous ne penseriez jamais en le rencontrant qu'il puisse ne serait-ce que dire « je vous demande de vous arrêter » à qui que ce soit. Souriant, posé, surdiplômé, ne sentant pas des pieds… Eh bien vous n'imageriez pas dans quels états ça peut le mettre! Les résultats de son équipe le frustrent plus sévèrement que ne le ferait le port forcé d'une ceinture de chasteté dans une communauté hippie. Il honnit tous les citadins de toutes les villes du monde possédant une équipe de foot ne s'appelant pas le Stade Rennais.

Ça se soigne, docteur? Eh bien il semblerait que non. Selon Jacky Béchamel, bénévole aux « supporters anonymes », « on a tout essayé… Interdictions de stade, distribution gratuite de cartes de bibliothèque, aménagements floraux dans les gradins, érection de totems amérindiens… Ils rechutent toujours. On a vu des patients, qu'on croyait pourtant guéris, plonger à terre après qu'une grand-mère les ait frôlés avec son caddie dans un centre commercial. Rien à faire, c'est génétique. »

Reste à espérer que la science ou les Raëliens isoleront un jour ce gène qui nous pompe l'air. Ça fera déjà ça de moins sur la liste des trucs à régler sur cette planète.   

Paul Palsambleu

Amicale Lycanthropique de Cornouailles 

2 Commentaires pour “Les fous du stade”

  1. auteur de cet article dit :

    C.Q.F.D cher Bob!

  2. Bob dit :

    N’empêche que les anglais sont des pédés, les italiens des tricheurs et les espagnols ont une petite bite!

    Nous en France, on a Ribéry Monsieur !

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