Discographie

Long Jeu

Certains endroits trépassent avec les hommes qui les ont habités… C'est le cas de cette échoppe au plafond bas cachée au fond d'une traboule discrète reliée à la place St Léger à Chambéry. « Le Chant de La Sirène », sanctuaire savoyard du vinyle, est mort en même temps que son propriétaire Gilles il y a quelques mois…

 

 

Il avait l'oeil sagace et la mâchoire de traviole sous son bonnet usé…. Il était roulé en boule dans un vieux pardessus déglingué qui lui donnait l'air d'un caillou qui aurait dévalé de la montagne à l'ère des premiers bouleversements tectoniques attribuables à la Rickenbacker… On pouvait facilement se le figurer attendant les disciples sur une corniche secrète au sommet de quelque pic brumeux, ou assis à la table la plus retranchée d'une taverne de pirates, couvant un savoir sacré et dangereux : « l'Angelo Mysterioso n'était nul autre que George Harrison ». Le Chant de la Sirène, c'était tout à fait ce genre d'ambiance, un donjon imprégné d'ombres et du parfum diffus de cette corruption libératrice qui est celle des sortilèges et du rock'n'roll.

 

Lors d'une de mes premières visites, l'homme s’était enthousiasmé lorsque je lui avait pris l'album de David Crosby dûment évoqué sur ce site et le Broken English de Marianne Faithfull… Il en parlait, évidemment, en érudit assuré, mais aussi, tantôt, et c'était cela le plus touchant, en sentimental qui peinait à trouver les mots pour dire la résonance que tel disque avait eu sur sa sensibilité. Je me rappelle parfaitement de ce vénérable bonhomme malade se levant de son comptoir, se balançant d'un pied sur l'autre et répétant que Broken English était un album « important », sans pouvoir en dire davantage par la parole, mais avec dans le regard toute l'amertume de souvenirs qui n'appartenaient qu'à lui.

 

Il en vendait de toutes les époques et de tous les genres, avec peut-être un surcroît de New Wave. Je regretterai toujours de ne pas lui avoir pris le « Drums And Wire » de XTC, le « Real Life » de Magazine et le « Prayers On Fire » de Birthday Party que j'avais repérés à ma dernière visite dans sa boutique. J'avais aussi été retenu par un « best of Doc Watson », un Bowie ou deux, « A Salty Dog » et un mystérieux double best of des Yardbirds… Je n'avais pas d'argent, ça n'était pas raisonnable… Hélas! Je ne pouvais pas savoir que la prochaine fois que je m'engagerais dans cette traboule, je trouverais des mots d'adieux punaisés à l'énorme porte de bois de la boutique… « Au revoir Gilles et merci pour le rock'n'roll ». C'était le dernier jour que j'ai passé à Chambéry. La capitale historique de la Savoie a perdu avec ce commerçant un de ces énergumènes rares qui fédèrent des communautés de passionnés et qui sont rien de moins que des passeurs de mémoire. Hommage à eux.

 

 

Joe L'Trembleur

 

 

3 Commentaires pour “Long Jeu”

  1. Joe Trembleur dit :

    Bonjour,

    je vous avoue que je ne sais pas du tout.

  2. galland jean claude dit :

    Bonjour,

    Malgré cette dramatique nouvelle, le magasin existe t-il toujours malgré tout? le stock sera t-il mis en vente?

    Merci,
    Cordialement.

  3. armaldhor dit :

    merci pour cet hommage a se grand bonhomme, passionné de musique et plein de trés bon conseils pour les jeunes oreilles. tchao l’artiste a bientot

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