Discographie

Gordon Lightfoot… Une petite histoire canadienne.

Dans le bouclard mal éclairé, des compilations mal fagotées aux pochettes hideuses jouent la provocation visuelle… il faudra la gueule d'ange de Gordon Lightfoot pour susciter un vague émoi. Une tronche de James Dean du middle west, habillé en gardien de vache, paré d'une douze cordes…

Le nom du gars, c'est le titre de l'album: "Lightfoot"… Coup de bol, c'est le premier album du sieur sorti en 1966. Parfois, il est utile de commencer les choses sérieuses par le début. La galette commence sa révolution et les premières notes de "Rich man's spiritual" s'élèvent, habillant une superbe voix de baryton avec un trémolo parfait. Rythmique guitare puissante et picking délicat pour une parabole typiquement nord américaine. Puis ça s'enchaîne: "Long river", ballade à chialer au coin du feu, "the way i feel" qui n'est pas sans rappeler quelque chose de Nick Drake, une reprise de "the first time ever i saw your face" d'Erwan Mac coll, puis une autre de Phil Ochs, "changes"… En plus d'avoir un talent fou, ce gars a bon goût, c'est certain.
Canadien, ontarien plus précisément, Gordon Lightfoot est très précoce musicalement, étudie l'orchestration jazz à la fin des années 50, séjourne en Europe puis, de retour au pays, il prend la route avec sa guitare en 1963. Ecumant bars et cafés concerts en Ontario et au Québec, il se sent proche du mouvement folk urbain de Dylan… Ecrivant des tonnes de chansons, il est repris rapidement par une kyrielle d'artistes: Ian and Sylvia, Chad and Jeremy, Marty Robbins, Peter, Paul and Mary, Harry Belafonte, Richie Havens ou The Kingston trio donnent une assise au jeune songwriter.
Signé sur United Artists, Gordon Lightfoot sort donc son premier album intitulé sobrement "Lightfoot" en 1966. En 1967, sortie de "The way I feel", un peu plus arrangé. Alors que "Lightfoot" ne compte que deux guitares et une basse, son deuxième opus s'agrémente de percussions, de piano ou de violoncelle.
C'est justement sur "the way I feel" que la comparaison avec Nick Drake devient plus qu'évidente… Un Drake moins plombé et surtout antérieur de deux ans… peut être leur passion commune pour Phil Ochs .
Le titre d'ouverture "Walls" donne le ton avec ses sonorités riches et suaves, son picking sautillant et sa batterie jouée au balais et, surtout, cette voix forte et bourrée de sensibilité… quand ce mec raconte une histoire, on y croit tout de suite, un vrai v.r.p. de l'émotion. Le titre "Softly", tout en nuance, avec son orgue cristallin et sa basse étouffée, apporte une dimension supplémentaire au talent de compositeur de Lightfoot, révélant son intimité de poète romantique… Dimension encore plus dévoilée avec "A minor ballad", chanson magique aux arrangements ciselés et surprenants, voire dissonants, avec violoncelle en contrepoint… Sa meilleure chanson? Rien que pour ce morceau de gloire, on est prêt à se taper toute la discographie du canadien… un moment de grâce comme ça, on n'en trouve que rarement, sauf chez des mecs comme Buckley ou DrakeLightfoot est encore de ce monde, autant en profiter.
Aux dernières nouvelles, le songwriter tourne encore, après 50 ans de carrière et plus de 20 albums… Personnalité incontournable du panorama musical canadien, il est encensé par nombre d'artistes états-uniens et reste encore inconnu en France, l'autre pays du fromage.

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