Discographie

Kid Congo Powers & The Pink Monkey Birds

Dans le rock comme dans d'autres entreprises plus douteuses comme "beurk! le sport" ou "beurk! la politique", savoir s'entourer est souvent un gage de succès. Demandez donc à Clapton si troquer Jack  Bruce contre les dessous de Carla Bruni a bonifié sa discographie. Dans la catégorie des sous-fifres qui ont eu l'intuition de sous-fifrer pour les bons chevaux, je demande Kid Congo Powers. Compagnon de slide de Jeffrey Lee Pierce, Lux Interior et Nick Cave, le dandy métèque prêche le boogaloo à deux pas de chez vous.

Mâcon, Rhône-Alpes. Pour trouver la salle de concert, filer le train d'une procession de tatoués. Ne pas oublier: un barbu c'est un barbu, trois barbus c'est des barbouzes. Quatre jeunes étrangetés capillaires éclusent une bouteille de gin. C'est là. La cave à Musique. Pemière partie: "Big Love & The Heartbreakers". Alias usé jusqu'à la corde de mi grave, mais morceaux qui claquent: le punk-rock tétanique de ces suppôts locaux des Cramps ouvre l'appétit. Foutre diable!

"Crash Normal", power duo concentré, s'empare de la scène avec un vrombissement maousse qui cafouille vite fait, faute à vingt-mille branchements entre dix-mille boîtiers d'effets et un jack long et défectueux comme un intestin de cancéreux de la tripaille. Quelques bidouillages plus tard, le grondement repart de plus belle, entre riffs denses et courts dérapages bruitistes à la Sonic Youth. À mi-prestation, le cadet lâche la deuxième guitare pour la caisse claire. Et d'enclumer comme un forcené, jusqu'à ce qu'on commence à se faire un peu chier. Trop c'est trop. Tout le monde n'a pas la chance d'avoir des tympans bioniques.

Le temps de s'enfiler quelques bières, arrivent Kid Congo et les Pink Monkey Birds. Le quinquagénaire Kid ressemble au rejeton secret d'Henri Salvador et d'une momie aztèque, avec en sus les maniérismes de Juliette Gréco et le veston d'un vendeur de porte-à-porte.
Dans un sourire reliant une oreille à l'autre en passant par le noeud de cravate, Brian Tristan prononce quelques mots pour introduire le premier morceau. Entre chaque chanson, l'homme parle à un public qui ne pige pas un mot pour annoncer par un court monologue badin le titre qui va suivre. Exemple lorsqu'il s'adresse à l'ingé du son pour demander plus de retour sur sa guitare:  « Je veux un son saignant comme une bon steak saignant (en anglais, « rare »)… I like it rare… RARE AS THE YETI!! »
Piff! Bang! Pow! Basse chaloupée, rythmique surf, riff décoiffant, refrain qui tombe au bon endroit, et retour de distortion foudroyant. Pour l'essentiel, le répertoire solo de Kid Congo Powers est construit sur ce modèle impérissable. Les gifles se succèdent avec la régularité d'un Lino Ventura face à Jean Lefevre dans « Ne Nous Fâchons Pas ». On retient « Rare As A Yeti », « Black Santa », et deux extraits du nouvel album sorti la veille: « Gorilla Rose » et « Bo Bo Boogaloo ». Un bref intermède country & western avec « La Llorona », avant l'évocation des trépassés. Creusant le cimetière, Kid Congo enchaîne coup sur coup hommages à Lux Interior et Jeffrey Lee Pierce: « I'm Cramped », puis « Sex Beat ». La centaine de spectateurs est au taquet. Un solide gaillard rebondit devant la scène de manière aussi imprévisible qu'un ballon de rugby. Ça pogote énergiquement. Un péquin balance sa bière sur le groupe. Une brute au faciès rappelant le Mitchum de « Cape Fear », portant une chemise à motif d'écailles, ne cesse d'aller et de revenir des chiottes en attrapant avec une délicatesse inouïe les gens par les épaules pour les ôter précautionneusement de son itinéraire de titubement. Les filles remuent le popotin. Des anciens savourent cette résurgence du bon vieux temps.

Généreux devant ce public peu nombreux mais complètement rock'n'roll, Powers et ses acolytes donnent deux longs rappels incrédules. Ses séides brillants, un grand bassiste à rouflaquettes frisées et un guitariste/ organiste chauve à barbe rousse (sorte de mormon de l'enfer), confirment définitivement que le rock est aussi affaire de sérendipité. Ce ne sont pas les défunts héros du psychobilly qui reviendraient sur terre prétendre le contraire.

Horseface O'Brien

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *