N'existant guère plus que pour les inconditionnels de musique de réclame à la télé, le titre Happy together est aussi le titre d'un vrai bon goupe avec des bouts de musiciens dedans… Même qu'ils ont fait plein d'autres chouettes musiques qui, elles, ne servent pas forcément à vendre des saucisses en plastique ou à la promotion du tourisme au Darfour.
Originaires de la côte ouest, le groupe fait ses premières armes sous le nom de "the crossfires from the planet Mars". Les deux leaders, Howard Kaylan et Mark Volman, sont assez proches d'un activiste nocturne, Rob Foster, qui sert d'impresario au groupe. Disc Jokey et tenancier d'un club, Robert Foster les introduit auprès des dirigeants d'un jeune label naissant, White Whale Records.
Par contre, le nom usuel du groupe est trop stéréotypé "garage surf" et on demande au groupe de prendre un nom plus "à la mode", comme ces Beatles ou ces Byrds, un truc plus animal avec le jeu de mot en prime, si possible. D'un brainstorming fumeux sort le nom Tyrtles qui ne franchira jamais la porte du label puisqu'on retrouvera le nom "the turtles" sur le premier single du groupe.
Les Turtles revoient aussi leur répertoire trop orienté surf et travaille un son plus proche des Byrds et des Beatles, à savoir une ori"entation plus pop et folk rock. En 1965 sort leur premier album intitulé "It ain't me babe, morceau directement pioché dans les compos de Dylan. L'album compte d'ailleurs 4 reprises du Zimmerman dont le titre phare, "it ain't me babe", se classe dans le top 10 du bilboard de la fin de l'année 1965. L'album sonne correctement mais reste peu original avec son lot de reprises archi populaires… A noter une des premières compositions du groupe (sous leur nouveau nom) intitulée "last laugh", pièce originale et convaincante dotée d'un clavecin virevoltant et d'un aspect "danse sociale" abrasif.
En 1966, sortie de l'album "you baby" qui peine à trouver son public. Et pourtant! L'album est plus personnel, avec le son Tutles qui se dessine progressivement et surtout, de moins de moins de reprises et de très bonnes compositions, comme la pièce "Almost there". "You baby, le seul morceau à se classer péniblement au top 20 du bilboard est une reprise de P.F. Sloan, considéré longtemps comme le Dylan du pauvre. L'homme a quand même composé un paquet de bonnes chansons interprétées par Mamas and papas, Jan and Dean, Herman's hermits ou Barry Mac Guire. A noter l'excellente reprise de "flying high" de Country Joe mac Donald.
1967: l'année charnière, l'année où tout arrive. Nos Turtles connaissent un gros changements de line up… Notamment le guitariste rythmique du groupe, Jim Tucker, insulté publiquement par John Lennon lors de la tournée promotionnelle des Turtles en Angleterre. Le Beatles ne voit aucun intérêt à "ce groupe de copieurs" et le fait savoir de façon peu délicate à Tucker. L'homme, totalement fan des Beatles et crucifié en place publique se sent tellement humilié qu'il décide de s'affranchir totalement de tout ce qui touche à la musique et stoppe sa carrière. 1967, année magique, donc, pour nombre de groupes. On ne déroge pas à la règle pour les Turtles qui délivre un très bon album. L'album "happy together" est beaucoup plus riche, plus arrangé avec des harmonies vocales plus présentes, des choeurs baignés de réverbération, des cordes et des cuivres très baroques, comme sur le titre "think i'll run away", moment de grâce pop.
Avec le morceau phare, Happy together, les Turtles s'inscrivent définitivement dans l'inconscient collectif et sont dépositaires du vrai son Turtles. Happy Together devient leur plus gros hit et se paye même le luxe de détrôner le Penny Lane des Beatles dans les charts.
Cet album provoque un nouvel éclairage sur le groupe, provoquant des vocations, de l'émulation voire même des jalousies. Nesmith des Monkees débauche Chip Douglas, producteur des Turtles, pour assurer les enregistrements et les émissions de télévision de son groupe. En 1968, Chip Douglas revient avec les Turtles pour assurer la production de leur album The Turtles presents the battle of the bands. Concept album, ce quatrième opus propose une relecture humoristique des différents courants musicaux en vogue à l'époque. Tantôt pop, rock, surf, country, psychédélique, Frat rock, folk, jazz, les Turtles créent 11 groupes factices qui se livrent un combat musical pour remporter le battle of the bands. Peu d'unité musicale dans cet album mais les morceaux sont tous très bons avec des bizarreries très chouettes comme ce Buzzsaw et son orgue épileptique ou bien encore la piste Food, interprétée par les Biggs Brothers, qui délivrent là une recette du brownie avec un ingrédient bien spécial.
1969, sortie de l'album Turtle soup produit par le Kinks, Ray Davies. La personnalité musicale du Kinks ressort incroyablement sur ce très bon disque et, ceci, dès le premier morceau, the house on the hill, tout auréolé de l'univers de village green preservation society. Des arrangements plus rosbifs, un côté plus élisabéthain, les Turtles aiment les Kinks et le vieux continent. Réussissant à créer une unité malgré de profonds problèmes internes, les Turtles créent la surprise auprès de certains critiques spécialisés. Le public, lui par contre, est déjà parti loin, délaissant cet ultime opus lors qu'il est de loin le plus personnel… c'est le premier album des Turtles qui ne compte que des morceaux écrits par le groupe. A noter que le deuxième batteur du groupe, John Barbata, se barre avant l'enregistrement de ce Turtle Soup et rejoint le Crosby, Still, Nash and Young. Plus tard, on le retrouvera avec les Jefferson Airplane.
Sous la pression de leur maison de disque, White Whale Records, qui veut que le duo Kaylan/Volman virent le reste du groupe pour des musiciens de studio afin de faire du tube au kilomètre, le groupe lâche la partie. L'année 1970 verra cependant la sortie de l'album "Wooden Head" composé de raretés de studio et de faces B.
La dissolution des Turtles annoncera la fin de White Whale Records, qui se voit privé de son groupe phare. Howard Kaylan et Mark Volman rejoignent The mothers of invention de Frank Zappa et participeront de nombreuses fois aux enregistrements des albums de T Rex, de Marc Bolan. Ils finiront par créer le duo Flo and Eddie (ne pouvant enregistrer sous leurs vrais noms pour des histoires de droits des Turtles). Ils participeront à de nombreux enregistrements, notamment Bruce Springsteen, the Ramones, Blondie, John lennon, Duran Duran, Stephen Stills, Roger Mac Guinn, the psychedelic Furs…