Aujourd'hui, je suis allé faire un tour au parc… C'est ça que j'aime bien dans une ville comme Montréal, des trous verts partout dans la ville, sans faire des bornes, sans payer une lisière de décompression spéciale nature…
Le vert, ici, c'est pas une couleur politique, c'est une façon de vivre, sans odes permanentes à la Mère Nature, juste un état raisonnable des choses, un truc pas organisé mais qui était là avant et qui est chouette, donc tu le laisses en place et t'y invite les écureuils, les canards, les cyclistes, les promeneurs, les joggeurs, les dealers, les poteurs…Le Vert, tout le monde ici en profite avant l'arrivée du blanc…le Grand Blanc!
Et non, c'est pas la semaine du blanc des galeries Lafayette (quoi qu'ici, Lafayette, c'est tout sauf amuser la galerie), c'est le truc qui tombe du ciel ou qui vient de la terre, c'est à se demander tellement il y en a et que ça reste…Un truc comme ça, même la retraite de Stalingrad, à côté, c'est le val d'Isère…Donc, le Grand Blanc, c'est doux, c'est beau, c'est silence, c'est poétique, c'est froid en crisse et ça te gèle le bulbe rachidien rien qu'à y penser…T'as beau te faire des écharpes en poutine et bouffer du gras comme une friteuse, tout ça se désintègre dans le grand Blanc…
C’est avec le grand blanc que tu affiches ta provenance, ton curriculum givré…Les jours de grand froid, quand le vent remonte les avenues principales, il est facile de différencier les « touristes » des indigènes : pour un magasinage en ville, tu ressembles à Frisson – Roche en pleine ascension du Mont Blanc tandis que le Montréalais suçote une Häagen Dazs en te regardant d’un air goguenard…Et toi, engoncé dans un parka à la graisse d’oie, le bonnet en peau de lapin des neiges et les mitaines qui te mangent les mains, tu passes allégrement de – 25 à + 25 dès que tu franchis la porte d’une échoppe : 50 degrés d’amplitude thermique à toi tout seul, tu te transformes en cocotte minute et dès que tu enlèves ton couvre chef, ta tête se met à siffler comme Josélito, le petit moineau corse…t’as pourtant bien lu « The temperature range in reproduction of wild type and attenuated cold-adaptated influenza viruses » (Amplitude thermique dans la multiplication des influenzavirus de type sauvage et atténués adaptés au froid ) deux semaines avant d’arriver…Tu t’es gorgé les esgourdes de Robert Charlebois (Mon pays, c’est l’Hiver…Voir Montréal sous la neige, pardon, sous la naèèège)…T’as bien fait bosser ton imaginaire en regardant des tonnes de docus sur les pingouins, les ours blancs, les loups, les rennes, Maria Chapdelaine, les chiens de traîneaux, Aurore enfant martyr, Elvis Graton, les orignaux, la moufette à poil cendré, Séraphin Poudrier, les wapitis, René Lévesque…Et bien même après une préparation psychologique qui fait passer les chasseurs alpins pour des clones hémiplégiques de Jean Claude Killy, tu souffres comme Bernadette Soubirou avant ses apparitions…Des milliers de piqûre envahissent tes membres, comme les tortures apaches à base de fourmis rouges dans le désert de Sonora, ta bouche se dessèche, te procurant un accent zozotant entre Jean Christophe Averty et Sophie Favier, le lent dégel de tes hémisphères méningés te fait passer pour un touriste suisse surpris par le décalage horaire…Bref, tu es lamentable et heureux tout à la fois d’avoir échappé à l’amputation, rapport à la gangrène qui guette tes pieds Miko-sylés.
Comme disait le grand homme : « Vive le Québec libre en doudoune passepoilée ! Vive le Canada français avec des chaufferettes aux pieds ! » A suivre…