Mon onc' des Amériques

Le PVT… Derrière l’oxymore, un sésame!

Le Permis Vacances-Travail est un programme d’échange entre la France et un assortiment de destinations excitantes… à savoir l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon et le Canada. N’étant pas familier des accords de mobilité concernant l’Océanie, je n’aborderai de ce sésame que son application nord-américaine.

Les accords de mobilité entre la France et le Canada autorisent chaque année 7,000 désoeuvrés français à incarner le colon à Montréal, en échange de quoi le Québec exporte annuellement un peu moins de 7.000 chanteuses de variété vers Paris.

Je schématise, c’est entendu : tous les français ne s’établissent pas à Montréal. Certains se rendent à Toronto, d’autres à Vancouver, d’autres dans la prairie ou les montagnes. Et même si leur proportion va diminuant, quelques-uns des canadiens francophones qui arrivent chaque année en France pour y chercher fortune (quelle idée) ne sont pas des chanteurs de variété. A défaut d’irriter les occupants de tous les ascenseurs du pays à grands assauts de trémolos, les malheureux échoient invariablement dans les vignes françaises, les mains en sang et la bouche chargée de grossièretés vernaculaires dirigées contre notre fameuse administration. Tout un catéchisme en vérité. Des hosties, des calices, des tabernacles, des eucharisties. Quand ils n’ont pas encore adopté nos insultes laïques, par habitude.

Laissons ces exceptions au proverbe bien connu : « pour vivre heureux, vivons cachés », et concentrons-nous sur les cas familiers. Mais d’abord, les procédures. 

Il suffit de télécharger un formulaire d’inscription sur Internet, de rassembler les pièces demandées (correspondant à la moitié de celles exigées par les ASSEDIC – douze à mon dernier enregistrement), puis d’envoyer tout ça à l’ambassade du Canada à Paris. Quinze jours plus tard, vous voilà officiellement autorisé à travailler au Canada et à y flâner à votre guise pendant douze mois. Dans l’acception française du terme. Attention, flâner est un acte répréhensible au Québec.

Seules conditions, être âgé de 18 à 35 ans et attester d’une réserve d’argent d’au moins 2100 euros au moment du départ. Ajoutez à cela le billet d’avion et l’assurance voyage, et les fonds minimums atteignent les 3000 euros. Donnez-vous une année à trimer dur à l’usine et à vivre chez papa-maman. C’est ce que j’ai fait.

Si vous arrivez en mars, les membres de l’équipage de votre compagnie aérienne bon marché sont heureux de vous annoncer une température à destination autrement plus vivable que tous les cas de froid mortel dont on vous a parlé avant votre départ. Le mythe du –40° est vivace. D’aucuns trouvent le chiffre pittoresque. Nos amis Québécois eux-mêmes donnent volontiers dans l’hyperbole climatique.

Une fois les formalités douanières passées, et avec elles les derniers uniformes de police montée que vous verrez jamais, vous vous retrouvez donc en parka, gants de laine et bonnet (s) à héler un taxi par 7°C, empêtré dans un embarras aussi concret que vos tricots superfétatoires.

La première impression tandis que vous vous laissez conduire le long de ces rues de Dorval recouvertes de slosh, ce résidu de gel noirci par la pollution, est une impression de dégoût devant la saleté et la déliquescence… Mars est absolument dégueulasse. Tandis que le soleil blafard fait fondre la glace au ralenti, tous les déchets pris dans la neige au cours des mois précédents resurgissent dans les rues. Il paraît qu’on trouve parfois des choses insolites sous la glace. Des matelas, de la bouffe, Alain Juppé…

Les gratte-ciels s’élèvent de toute leur froideur administrative dans le ciel vitrifié.

Banque Scotia, Tour KPMG, Tour CIBC, Ville-Marie.

Oh, c’est haut!

Le Mont-Royal ressemble davantage à une taupinière maléfique qu’à la colline luxuriante des cartes postales de vos oncles et tantes ornant le frigo chez papa-maman. Un monticule glacé recouvert d’arbres étiques.

Où sont les gens ? Les rues sont désertes, la ville silencieuse.

Ils « magasinent » tant que faire se peut dans les centres commerciaux souterrains, ou se dorent la pilule en Floride, ou bien encore font du ski dans les Laurentides.

Le taxi vous dépose devant votre auberge de jeunesse sur le vieux port. Avec ses ruelles pavées étroites et sa profusion de restaurants d’obédience hexagonale, le vieux port est couru des touristes américains au moins autant qu’il est boudé des ressortissants français, les uns le trouvant « so charming » et les autres trop familier. Ces derniers préfèrent la culture plastique du boulevard St-Laurent à la Vieille Europe en toc de la Place Jacques-Cartier. A chacun sa connerie. 

Parlant de connerie, comment ne pas mentionner un exemple effarant de collision culturelle

situé, fort pertinemment, sur le Vieux-Port, en haut du boulevard St-Laurent : la demeure dans laquelle naquit jadis le sieur de Cadillac (fondateur de la ville de Detroit) accueille aujourd’hui… un McDonald’s ! De sa plaque commémorative en bois, le sieur de Cadillac voit passer tous les jours des « Joyeux Festins » (« Happy Meal » en français – pour ainsi dire) dans l’escalier.

Vous déposez vos bagages dans votre dortoir et vous vous hâtez dans les rues de Montréal.

Dans un mois, tout cette slosh ne sera plus qu’un mauvais souvenir ; le vert reprendra la ville, les écureuils envahiront les parcs et les premiers festivals dévoileront leur programmation alléchante. Le stupre sera de retour sur Ste-Catherine, les tambours reprendront possession du parc Jeanne-Mance, la bière coulera à flots sur les terrasses de St-Denis et, filles et garçons détricotés se feront de nouveau des sourires dans le métro.

Mais pour l’heure, vous ne pensez qu’à trouver un boulot et un appart’.

Or l’accès à ces droits humains fondamentaux est bien moins compliqué au Québec que dans l’Hexagone, où leur poursuite constitue une entreprise absurde, ridicule, aliénante, et une entreprise de déforestation de masse par là-dessus. C’est une affaire aussi simple que de se procurer un quotidien gratuit – il y en a de très bons- et de passer un coup de téléphone, et cela une fois par jour pendant deux ou trois semaines, en fonction de la configuration des étoiles, mais pas plus, si tant est que vous n’ayez pas des exigences trop particulières ; il vous faudra plus de patience si vous préférez habiter seul et que vous rechignez à emmerder les gens au téléphone. Le télémarketing est le secteur d’emploi le plus développé à Montréal avec celui de la restauration.

Je vous laisse à vos recherches. Bon séjour au Québec !

 

Joe l'shaké

« D’accord, j’dis pas qu’à la fin de sa vie, Joe L’Trembleur il avait pas un
peu baissé. Mais pendant les années terribles, sous l’occup’, il butait à
tout va ! Il a même décimé toute une division de Panzer ! »
– Maître Folasse.

 

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *