Mon onc' des Amériques

HEROUXVILLE GULCH… où l’on parle d’accommodements raisonnables.

Hérouxville. Mille trois-cent âmes qui regardent trop la télévision frissonnant dans les forêts paumées de la Mauricie. Une région de lacs et de rivières sauvages, d’ursidés revêches et de caribous mauvais.

A Hérouxville, on regarde la politique d’accueil du Québec d’un œil torve, de derrière les rideaux. Un de ces jours, à l’allure où vont les choses, il se pourrait bien qu’un musulman, un juif hassidique ou un sikh vienne s’installer sur cette terre ancestrale et imposer ses us importunes. Les hurons n’avaient pas eu la présence d’esprit de rédiger un code de conduite municipal… Mais à Hérouxville, on est des malins ! On a fait passer un décret en vertu duquel il est interdit d’exciser, de lapider ou d’immoler par le feu dans les limites de la communauté. Par extension, il est également interdit de porter le voile islamique et de réquisitionner un lieu de prière cinq fois par jour. Car il est établi que ces pratiques vont de pair ! Mais avant de poursuivre, je vous entend vous interroger : qu’est-ce qu’un sikh ?  

LA REVANCHE DES SIKHS

 A l’heure actuelle, le meilleur documentaire jamais réalisé sur les sikhs reste « Indiana Jones et le Temple Maudit ». Les sikhs sont barbus, portent des turbans, envoûtent leur prochain, réduisent les enfants en esclavage et arrachent les cœurs des infidèles lors de cérémonies grandiloquentes dans des grottes infestées de blattes, ou, à défaut, dans les sous-sols des immeubles à loyer modéré de Pointe Ste-Charles. Ils viennent généralement au Québec pour la même raison que tous les barbus enturbannés: envahir Hérouxville.

On a donc ressorti les crucifix, suspendu des gousses d’ail au-dessus des lits des enfants, astiqué les balles en argent, cueilli la belladone et,en dernier lieu, on a inventé un code de conduite municipale.

LES ACCOMMODEMENTS DE LA COLERE 

En 1985, la Cour Suprême du Canada accouche de la notion d’« accommodement raisonnable », soit « l’obligation dans le cas de la discrimination par suite d’un effet préjudiciable, fondée sur la religion ou la croyance, qui consiste à prendre des mesures raisonnables pour s’entendre avec le plaignant, à moins que cela ne cause une contrainte excessive : en d’autres mots, il s’agit de prendre les mesures qui peuvent être raisonnables pour s’entendre sans que cela n’entrave indûment l’exploitation de l’entreprise de l’employeur et ne lui impose des frais excessifs. » Depuis quelques années, le débat consiste à définir les limites du « raisonnable ». Est-il raisonnable d’accorder à un sikh le droit de porter un turban à son travail au lieu du casque de sécurité réglementaire ? Est-il raisonnable de permettre à un jeune Sikh d’amener un kirpan à l’école en vertu de son statut de symbole religieux (le kirpan est le couteau sacerdotal avec lequel les Sikhs épluchent les organes des jeunes vierges) ? Plus récemment, est-ce déraisonnable de demander à une jeune musulmane d’ôter le voile avant de pénétrer sur un terrain de football ? Doit-on accommoder ces juifs hassidiques qui refusent d’être interpellés par des femmes policiers ? Inévitablement, la presse québécoise monte en épingle chacun de ces accommodements polémiques. Particulièrement le Journal De Montréal, l’organe de la Peur, avec ses manchettes sensationnalistes à rabais. L’idée de déclin culturel étant ancrée profondément au caryotype Québécois, on s’affole sur les ondes hertziennes, dans les baisodromes et dans les bals des pompiers, et on en vient à rédiger des chartes fantasques dans des villages où aucun étranger ne mettra jamais les pieds de toute façon. Parallèlement, on achète le dernier album rétrograde du groupe Mes Aïeux.

SEXE, DROGUES & ROCK’N’ROLL  

Or donc, qui sont ces Hérouxvilains ? Il importe de découvrir leurs « normes de vie » : en effet, nos gens de Hérouxville, dans l’objectif de communiquer aux immigrants éventuels « toute l’information nécessaire pour qu’ils exercent un choix éclairé en décidant d’habiter notre territoire », ont couché sur papier les « principales valeurs qui guident [leur] vie collective ». A tous ceux qui feraient remarquer qu’Hérouxville n’est pas précisément la Silicon Valley, ils répondent que « face aux problèmes vécus dans les grandes villes, les responsables des ministères de l’Immigration encouragent de plus en plus les nouveaux arrivants à s’établir en région. » L’immigration peut arriver chez vous aussi, si vous n’y prenez pas garde. Ces normes « font partie de nos us et coutumes ainsi que de nos droits acquis. Elles font partie intégrante de notre culture. […] Prises dans leur globalité, ces normes dessinent notre portrait collectif. »

 LES DROITS DE LA JEANNE  

Qu’est-ce donc qu’Hérouxville en Mauricie?Pour commencer, c’est un matriarcat éhonté:« Une femme peut donc, entre autres, conduire une voiture, voter librement, signer des chèques, danser, décider par elle-même, s’exprimer librement, se vêtir comme elle le désire tout en respectant les normes de décence généralement admises ainsi que les normes de sécurité publique, déambuler seule dans les endroits publics, étudier, avoir un métier ou une profession, posséder des biens et en disposer à sa guise. » Il est en outre spécifié qu’« au moment de l’accouchement, les futurs pères assistent leurs épouses à l’accouchement. »Comble de libéralité, on va même jusqu’à considérer comme hors-norme « toute action ou tout geste s’inscrivant à l’encontre de ce prononcé, tels le fait de tuer les femmes par lapidation sur la place publique ou en les faisant brûler vives, les brûler avec de l’acide, les exciser etc. » Il est entendu que ces actes sont monnaie courante hors de limites d’Hérouxville. A Montréal, on a même ouvert un club de lapidation pour les personnes qui souhaiteraient exercer publiquement cette activité physique.

 BOIRE OU PATINER 

S’ils ne torturent pas les femmes comme le reste de la population, quels peuvent bien être les loisirs des gens d’Hérouxville ? « Nous écoutons de la musique et nous buvons des boissons alcoolisées dans des lieux publics et privés, nous dansons, et, vers la fin de l’année civile, nous décorons, individuellement ou collectivement, un sapin ou une épinette avec des boules et des lumières.»On sait s’amuser à Hérouxville. On a même un bar où tous les gens du village se retrouvent les fins de semaine. Outre les sorties au bar du village, on pratique aussi des activités physiques ensemble:

« Depuis très longtemps, les garçons et les filles pratiquent les mêmes sports, et souvent ensemble. Lors de votre arrivée chez nous, vous verrez des garçons et des filles se baigner ensemble dans la même piscine par exemple. Ne soyez pas surpris, car, pour nous, c’est normal. Vous verrez aussi des hommes et des femmes faire du ski sur la même montagne et en même temps. Des hommes et des femmes dans la même équipe de hockey, et jouant en même temps sur la même glace. […] Vous saurez apprécier ce mode de vie, s’il en est ainsi, en partageant nos us et nos coutumes. » De notre côté, ça nous fera bien marrer de vous mettre minable à la buvette et sur la glace.

LES NOURRITURES TERRESTRES

 Partager les coutumes signifie aussi accepter les us alimentaires de la population :«  Dans nos familles les garçons et les filles mangent ensemble, à la même table, la même nourriture. Ils peuvent manger toutes sortes de viandes, fruits et légumes. Ils n’ont pas à manger exclusivement de la viande ou exclusivement des légumes. Et ils peuvent manger des deux en tout temps de l’année. […] Dans nos familles, ce qui est ingurgité par la bouche sert exclusivement à nourrir le corps. L’âme se nourrit autrement. »Il est certain qu’une poutine obscènement arrosée de sauce barbecue et grouillant de fromage pouic-pouic plastifié ne saurait constituer un viatique pour aucune âme saine. 

 

LES PETITS CHANTEURS ET LA CROIX DE BOIS 

Quoi d’autre ? Ah oui, les Hérouxvillois tiennent dur comme fer à leurs traditions païennes et à leurs croix de bois :« Vous saurez voir encore quelques croix du chemin témoignant de notre passé. Ils (sic) (sikh ?) sont partie intégrante de notre histoire et de notre patrimoine et doivent être considérés comme tels. »Allez dire ça à un croupier algonquin. Il vous répondra sans doute : « Fuck the duck ».

« Dans les établissement scolaires, privés ou publics, à la fin de l’année civile, on peut voir un arbre ou des décorations de Noël. A cette occasion, les enfants chantent ensemble des chants dits de Noël. » Ce qui, nous assure t-on, n’a plus grand-chose à voir avec le catholicisme à papa, et « d’ailleurs, dans plusieurs de nos écoles, il n’y a plus aucune prière. On y enseigne de plus en plus la science et de moins en moins la foi. » C’est juste qu’on tient à nos sapins et à nos chants de Noël.

DE l’ORDRE DANS NOS CAMPAGNES 

En dernier lieu, mais ça n’est pas le point le moins important, Hérouxville chérit l’ordre et la sécurité. Ainsi, il y est jugé à propos « de se montrer à visage découvert, en tout temps, dans les lieux publics pour faciliter notre identification. La seule exemption possible à cette règle se produit à l’Halloween. » C’est juste qu’on tient aussi à cette fête mercantile-là, même si au fond elle n’a rien à voir avec nos ancêtres français. « Notre immense territoire est patrouillé par quelques policiers et policières de la Sûreté du Québec. Depuis toujours, chez nous, un policier peut questionner, aviser, sermonner, signifier une infraction indépendamment à un homme ou une femme. Remarquez qu’une policière peut faire la même chose. » Le taux de conversion au Hassidisme à Hérouxville risque d’en prendre un coup.  

EN CONCLUSION : BIENVENUE ! 

Les immigrants qui respecteraient ces normes de vie seraient les bienvenus à Hérouxville, « ils seraient accueillis à bras ouverts et heureux de vivre parmi nous, car ils connaîtraient la paix, la liberté et la tolérance parmi des gens qui affirment leur culture avec dignité. » On pourrait continuer à picoler, écouter Mes Aïeux, manger du pâté chinois, se pousser sur la patinoire et décorer nos sapins de Noël adorés. Avec 25 Charles Martel dans l’annuaire téléphonique sur l’ensemble du Canada, ce mode de  vie-là n’est pas près d’être menacé.  

Joe L’Trembleur

 

2 Commentaires pour “HEROUXVILLE GULCH… où l’on parle d’accommodements raisonnables.”

  1. Joe Le Trembleur dit :

    Tabarnak! Il se trouve quand même des gens pour applaudir l’initiative du conseil municipal d’Hérouxville! On n’arrête pas la connerie humaine (surtout pas en France: c’est bien la seule chose qui soit en libre circulation ces temps-ci)!
    Allez voir le lien suivant, c’est édifiant:
    http://www.houmous.net/2007/01/31/une-ville-d%e2%80%99irreductibles-herouxville/

  2. old-dirty-greyhound dit :

    Entre les lettres persanes et little Mosque on the Prairy,voici Hérouxville ! On attend avec impatience une étude sur les pratiques musicales de ces honnêtes et travailleurs citoyens de cette belle nation.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *