Montréal, 2000. Jean Chrétien veut « remettre les chômeurs au travail ». Le premier ministre du Canada déclare préférer « voir travailler les chômeurs à 50% de leur rendement plutôt que de les laisser à la maison boire de la bière à 0 % de rendement » – une vraie rhétorique de raclure de l’UMP avant l’heure. C’est dans ce contexte stigmatisant que se déroule l’intrigue de « La Moitié Gauche Du Frigo ».
Christophe Bélanger (Paul Ahmarani) est un ingénieur en mécanique qui a démissionné de son dernier emploi suite à une réduction d’effectifs dans son entreprise ayant entraîné son assignation à un poste qui ne lui correspondait pas. Stéphane Demers (Stéphane Demers), son colocataire, est un comédien amateur impliqué dans de vagues projets dramatiques et qui se pique de commentaire social. Stéphane a l’idée de filmer la recherche d’emploi de Christophe afin d’en tirer un documentaire. En garçon extraverti, Christophe accepte, « pour le côté ludique du film ». Christophe est exigeant dans sa démarche. Hors de question pour lui de chercher un petit boulot alimentaire en attendant de trouver un emploi qui corresponde à ses études et sa formation. Mais de longs déplacements infructueux en négociations pas plus fructueuses avec sa banque, sa patience s’amenuise. Tandis que les faux-espoirs s’accumulent pour Christophe, Stéphane reçoit des messages de producteurs qui se disent intéressés par son projet. Bientôt on lui adjoint un preneur de son et on lui offre une caméra de haute qualité pour filmer son ami désargenté. La caméra s’insinue de plus en plus intimement dans la vie de Christophe, et notamment dans ses relations sentimentales. Les rapports entre les deux colocataires se détériorent progressivement. D’autant que Stéphane ne peut se retenir de parasiter les entretiens de Christophe en jouant les Michael Moore à deux dollars.« La Moitié Gauche Du Frigo » est le premier film de Philippe Falardeau, avant l’excellent « Congorama » de 2006. C’est aussi le film qui a lancé l’acteur-équilibriste Paul Ahmarani.LMGDF explore brillamment les « zones grises » de la recherche d’emploi. Les comédiens sont justes et le propos pertinent. Si les institutions et les démarches liées à la recherche d’emploi divergent nécessairement de pays en pays, les effets du chômage sont partout les mêmes : humiliation, malaise, repli. Il faut tout le bagou sympathique de Christophe pour contrebalancer ces affres obligées. En conclusion, LMGDF est un film intelligent, touchant et pénétré d’humanisme.Un film à voir en ces temps de paternalisme fouettard et d’ultralibéralisme sans foi ni loi… ni repentance !
Joe L'trembleur